Once More 'Round The Sun

Mastodon

Reprise Records – 2014
par Simon, le 8 juillet 2014
8

Difficile de débuter cette chronique sans évoquer la pertinence des mots de Brandon Stosuy, qui écrivait ceci dans les colonnes de Pitchfork à propos du Blood Mountain de Mastodon : « Il y a plein de choses en devenir dans l’underground metal, c’est sa version mainstream qui réclame désespérément l’arrivée  de nouveaux héros ». Et d’enchaîner sur la difficulté évidente de poursuivre une esthétique heavy derrière les carrières de Metallica, de Black Sabbath ou des Guns N’ Roses.

Comme rien n’est innocent (dans sa tentative, comme dans la nôtre), Mastodon est à la fois la clé de voûte et la réponse partielle à cette question de la continuation du patrimoine metal. On ne parle pas ici de mutations extrêmes du genre mais bien de la musique de papas, ces trucs qui se vivent dans les stades, en santiags et veste en jeans à courtes manches. Cet état de fait est une aberration, quand on sait que le nouveau siècle porte toujours une admiration certaine au kitsch des idées et à la mise en forme épique de toutes les formes de musiques (de Conchita Wurst à Miley Cyrus, en passant par Muse ou Susan Boyle). Qu’est ce qui, dans le mainstream, a cessé de fonctionner pour que l’industrie de la grosse guitare et du solo d’anciens ne fasse plus rêver grand monde ? Si peu qu’on devrait s’appuyer sur un comeback de Black Sabbath ou une nouvelle manœuvre lamentable de Metallica pour s’offrir un coup de frisson? A moins que vous n'ayez assez de mauvais goût pour aller vous fournir chez Dream Theater ou Dragon Force?

Si on laisse cette question ouverte pour les plus démocrates d’entre vous (notre point de vue irait vers un déplacement de la violence, musicale et picturale, qui aurait rendu les codes originels moins tranchants), on est heureux de parler de Mastodon et de sa quête inachevée de reconnaissance. Car si l'on exclut Ghost B.C. (à une échelle inférieure), aucun autre groupe ne peut aujourd’hui revendiquer le trône de meilleur groupe de heavy de la planète. Eux qui, en treize ans, sont devenus le nouveau modèle de l’amour pour l’institution guitare et de la grosse construction heavy. Un modèle d’expansion et de vulgarisation aussi, qui amène le groupe à abandonner ses albums-concepts pour opter pour un modèle presque popisant, proche de la folie power-rock à l’américaine. Taillé pour les tournées en stade donc.

Mais quelle importance à vrai dire, quand le modèle est si bien formé, si magnifiquement conscientisé. Considéré encore et toujours comme du prog-metal de hispter, Mastodon n’en finit pas de se dévoiler, toujours autant dans l’accomplissement de son œuvre de masse, avec sa production parfaite et ses centaines de riffs ridiculement puissants. Un modèle d’adaptation – on se régale véritablement de voir comment le groupe amorce son appel à un public plus populaire – qui prend le chemin d’un chant clair et heureux, qui supprime les gueulantes et qui transpose la technique dans des formats courts. Une manière d’attirer toujours plus de lumière dans la pièce, de synthétiser le propos sans renier l’héritage qui le fait vivre. Une lignée qui peut à nouveau vivre sans honte dans une modernité retrouvée. Un pari presque impossible à la lumière de l’histoire et clairement une des plus grandes réussites musicales de ces dix dernières années. Pour que finalement, le nom de Mastodon résonne comme l’hybride parfait entre Iron Maiden, Queens of The Stone Age, Van Halen et Neurosis. Et il est grand temps que tout le monde le sache.

Le goût des autres :