Natalie Prass

Natalie Prass

Spacebomb Records – 2015
par Jeff, le 16 février 2015
9

Si certains labels défendent fièrement une scène ou un son, il est souvent bien difficile, en regardant le seul visuel d’un album, de se dire si un disque est sorti sur Domino, Matador ou Sub Pop. Pourtant, ce n’est pas comme ça chez tout le monde. En effet, chez Spacebomb Records, on aime bien ajouter sur le côté gauche de la pochette une bande de couleur facilement identifiable et qu’on a pas mal vu passer en 2013 avec l’album de Matthew E. White, qui en plus d’être un excellent songwriter, est également l’une des chevilles ouvrières du label basé à Richmond, en Virginie.

Spacebomb, c’est une volonté de défendre une esthétique, tant aux niveaux des visuels que du son - en effet, le label célèbre avec un certain talent pas mal de genres ayant connu leur heure de gloire il y a quelques décennies, et notamment la soul. Mais Spacebomb, c’est aussi une petite structure, gérée en bon père de famille, avec des avantages comme des inconvénients. Ainsi, devant l’immense succès rencontré par le Big Inner de Matthew E. White, la structure s’est vu contrainte de jeter l’intégralité de ses forces dans la bataille promotionnelle, reléguant au second plan ce disque de Natalie Prass, qui était pourtant déjà bouclé en 2012. En même temps, il eut été vraiment regrettable que le disque soit chichement défendu, vu qu’il est tout simplement l’un des meilleurs trucs que vous auriez pu entendre cette année-là. Et en 2015 aussi.

En optant pour des techniques d’enregistrement résolument rétro, en proposant un mélange folk-soul tout ce qu’il y a de plus classique, Natalie Prass joue la carte de l’intemporalité. Le songwriting est limpide, la voix est claire, et les arrangements donnent à ces histoires d’amour une élégance folle. Difficile en écoutant ce premier album éponyme de ne pas vouloir faire de parallèle avec Sharon Van Etten. Comme la pensionnaire de chez Jagjagwar, Natalie Prass parvient à remplir l’espace malgré une présence que l’on pourrait considérer discrète. Mais qu’on ne s’y trompe pas : cette timidité supposée dénote surtout d’une envie de mettre une voix fragile au service d’un projet plus global, où les arrangements de cuivres et de cordes sont au moins aussi importants que la voix.

Cette approche pleine d’humilité permet alors l’émergence d’un projet bien équilibré, où rien n’est laissé au hasard, et où les ballades douce-amères de Natalie Prass nous foutent des papillons dans le bide ou des larmes plein les yeux. Quand ce n’est pas les deux en même temps. Dans le communiqué de presse qui sert à nous refourguer le disque sur le site de Spacebomb Records, on nous vend un "chef d’œuvre empreint de modestie". Et on se dit qu'en c’est probablement le meilleur moyen de décrire ce disque en trois mots. 

Le goût des autres :
6 Amaury L