Morning After

dvsn

Warner – 2017
par Aurélien, le 26 octobre 2017
8

Quand on pense à October's Very Own, on pense forcément à Drake. Mais on oublie que si le Canadien en est là aujourd'hui, c'est aussi parce qu'il gravite autour de lui un tas d'éminences grises qui ne vivront qu'à travers son prisme. La preuve de ce qu'on raconte? Impossible de parler de dvsn sans évoquer la partie visible de l'iceberg canadien. C'est bien connu: le produit en vitrine est toujours plus fascinant que les artisans qui bûchent dans l'arrière-boutique. En d'autres termes, si on sait tous ce qu'on faisait lorsqu'on a entendu pour la première fois "Hotline Bling", c'est grâce à des gens comme Nineteen85. Le producteur fait partie de de ces nerds qui ont la science du tube élégant. Un héros de l'ombre, un Batman des studios.

Comme chaque Batman a besoin de son Robin, un héros aussi discret ne pouvait s'associer qu'à un autre héros discret. C'est donc avec Daniel Haley qu'il forme dvsn. Autrefois songwriter pour le compte de Jessie Ware ou Jennifer Hudson, il a pris le micro pour donner vie aux productions de son perdant magnifique de pote. Sous la bannière du symbole divisé, la paire s'est révélée au monde l'an dernier en sortant Sept 5th, un premier effort monolithique à mi-chemin entre R&B de papa façon Curtis Mayfield et basses profondes made in Toronto. Et qu'on ne s'y trompe pas: si notre papier de l'an dernier mentionnait Tati dès son entame, Sept 5th est définitivement un disque proche de la haute couture.

Pour son deuxième disque, dvsn a en tout cas envie de plaire au plus grand nombre. Après tout, personne ne fait de la musique pour soi, et il n'y a rien de plus beau qu'une foule en liesse. Aux labyrinthes de son aîné, Morning After oppose la simplicité: les titres sont plus courts, moins construits en tiroirs. Venant d'eux, on pourrait presque dire que c'est trop facile s'il n'y avait pas ce soupçon d'élégance si caractéristique de leur musique, cette envie de faire du neuf avec du vieux en exploitant les moindres détails le champ lexical du R&B. C'est encore plus criant dans la deuxième moitié d'album: sur "Body Smile", ils offrent un titre anachronique digne du répertoire de Whitney Houston; et sur "P.O.V.", ils appliquent un traitement chopped & screwed au "Fortunate" de Maxwell, dont la classe résonne jusqu'aux dernières notes du solo de guitare. Ainsi, si la présence de singles plus immédiats contredit les habitudes de la paire, rien ne parvient à altérer la beauté de cet hommage appuyé au genre: chaque morceau est à sa place, et tout coule d'une traite, limpide et chaud comme une lampée d'Amaretto par -5.

De toute évidence, on peut affirmer que Morning After sera un succès d'estime avant d'être un succès commercial: pour avoir jaugé la faiblesse des retombées de ce second album, la majorité silencieuse ne saura pas rendre justice à cette magnifique performance de cinquante minutes. En tout cas, dvsn transforme l'essai, et démontre sa capacité à offrir des produits moins ambitieux et plus lisibles sans jamais perdre en pertinence. Morning After est un disque d'une douceur folle, impeccablement écrit et arrangé, riche en détails. En un mot comme en cent, Morning After est à la fois le hangover album idéal de cet automne, et la bande-son parfaite des dimanches lubriques sous la couette. 

Le goût des autres :
8 Ruben