Life Is Good

Nas

Mercury – 2012
par Jeff, le 24 juillet 2012
8

La dernière fois qu'une grosse sortie estampillée rap américain avait été teasée de la plus belle des manières pour se révéler être un disque extrêmement moyen, c'était Tha Carter IV. On se rappelle tous de la pochette démentielle et des premiers singles qui rappelaient les plus belles heures du troisième volume de la série. Ce genre de tromperie magistralement orchestrée, Lil Wayne ne l'a pas inventée. Et le rap game américain compte même un spécialiste du genre, un certain Nas.

C'est bien simple, depuis God's Son en 2003, Nasir Jones a été incapable de nous pondre un album digne de son immense talent mais n'a jamais manqué de précéder chaque sortie de long format de titres nous mettant sérieusement l'eau à la bouche. Et comme Life Is Good a été précédé de singles impeccables (les mastodontes "The Don" et "Nasty"), on s'est dit que le natif du Queens finirait bien par vaincre le signe indien et nous gratifier d'une galette enfin recommandable. Et après de trop longues années de disette, notre patience a enfin été récompensée. Ce qui fait sacrément plaisir, tant entendre son flow parfait équivaut à renvoyer une bonne partie des rappeurs américains à leurs gammes. C'est bien simple, Nas ayant l'un des plus beaux phrasés de la planète, le type pourrait presque nous faire aimer une production samplant le "Papayou" de Carlos.

Mais rien de tout cela sur Life Is Good. De fait, comme pour toute grosse sortie à l'amerloque, on n’a pas fait les choses à moitié, quitte à ôter au projet toute vélléité un brin artisanale du genre à conférer à l’ensemble un peu de street cred. C'est donc une armada de producteurs titrés qu'on a réuni autour du projet: Swizz Beatz (Nicki Minaj, T.I. ou Kanye West) J.U.S.T.I.C.E. League (Drake, Rick Ross ou Gucci Mane), Salaam Remi (connu pour son travail avec Nas et Amy Winehouse, mais officiant aussi de temps à autre pour Nina Sky ou Big Boi) et surtout l'inévitable No I.D., le producteur qui semble plus intouchable que jamais ces derniers temps, et qui par dessus le marché a bossé sur plus ou moins tous les gros albums de rap U.S. de ces dix dernières années. Ajoutez à cela quelques guests triées sur le volet (Amy Winehouse, Mary J. Blige ou Rick Ross) et vous obtenez un bel « album marronnier » comme le rap game US sait nous en produire à longueur d’année.

Après, il faut reconnaître à cette industrie un certain savoir-faire qui donne régulièrement naissance à des galettes qui, à défaut d’être légendaires, se dégustent avec beaucoup de plaisir. Alors c’est vrai, rien sur Life Is Good ne renvoie au Nas des débuts, ce gamin au flow de bête assoiffée qui avait mis tout le monde d’accord sur Illmatic. Mais Life Is Good a surtout le mérite de nous révéler le Nas adulte que l’on attendait enfin de voir exploser. Finie la crise identitaire qui nous a donné trop d’albums pourris, finie la séparation d’avec Kelis (c'est sa robe de mariée qu'il tient entre ses mains sur la pochette), finis les problèmes avec sa fifille adorée. On sent que Nas a enfin atteint une certaine forme de plénitude, cet état qui lui permet de se concentrer sur ce qu’il fait de mieux : rapper mieux que tout le monde sur des productions qui lui ressemblent. Et à ce petit jeu là, Life Is Good remplit le contrat sur près de 70 minutes, ne se permettant que l'une ou l'autre faute de goût, à l'image de ce titre indigeste avec la diva has been Mary J. Blige.

Si on n'a jamais douté du talent de Nas, on s'est longtemps posé des questions sur les choix de carrière douteux que celui-ci a posé. Et après des années de disette lamentablement masquées par quelques éclats de génie, on ne peut plus se moquer de l'artiste en l'affublant du sobriquet "Nasty Naze". Non, Nas est de retour à son meilleur niveau. Et putain que ça fait du bien.

Le goût des autres :
7 Bastien 8 Thibaut 6 Soul Brotha 3 Tristan 6 Amaury L