Built On Glass

Chet Faker

Future Classic – 2014
par Amaury, le 24 avril 2014
9

Dès l’ouverture, Built On Glass balance la lourde promesse de se joindre au rang des grands disques — quelques notes diffuses, ponctuellement martelées, s’engouffrent dans le silence avant que n’éclate le roulement plaintif de cette voix typiquement soul. Une entrée fracassante qui propulse l’album à un niveau d’excellence que Chet Faker parvient à maintenir avec élégance durant douze titres. Et le défi n’était pas aisé.

La production d’une deuxième galette de qualité représente une épreuve qui s’avère parfois fatale, plongeant ainsi de jeunes clartés dans les sombres limbes de l’oubli. Surtout lorsque l’effort qui précède s’est imposé avec autant de succès que celui qui a illuminé l’EP de l’Australien, Thinking in Textures. Avec finesse, entre électronique épurée et soul puissamment raffinée, il avait séduit et obtenu une distinction qu’il devait nécessairement, au moins et selon les attentes, conserver dans l’avenir. Sous différentes couches de travail et matières, diverses impressions s’y découvraient aléatoirement, comme un sobre carton livre à son ouverture toutes les merveilles d’une enfance oubliée.

Chet Faker a mis de l’ordre dans son luxueux bordel de sensibilité : cette fois, le disque présente une narration interne autour de laquelle voltigent variations et cohésion. Malgré les alternances de rythmes, une matière unit tous les titres et ce n’est pas sans signification que l’album fait référence au verre. Substance fragile et solide, selon le souffle, elle peut former un titre délicat, « To Me », comme un titre assuré avec fierté, bien sur ses appuis, « Gold ». Le verre opère aussi sur la lumière : qu’il reflète en bord de coupe les éclats solaires, « 1998 », que son pied brille par le chrome des soirées insolentes, « Melt », ou bien, qu’il disperse dans la pièce quelques couleurs saxophonées, « Lesson In Patience ». Mais surtout, le verre est l’objet de transparences : Chet Faker ne cesse de jeter ses tripes dans une musique qui, bien que sobre et posée, ne se désincarne pas, reste intense et personnelle. D’ailleurs, « Release Your Problems » et « Dead Body » débutent et terminent l’œuvre en sa source intime, brillante de soul sacrée.

Au culte de la musique moderne, d’une voix glorieuse, Built on Glass vient d’offrir ses nouveaux vitraux.

Le goût des autres :
4 Denis 5 Jeff 8 Amaury L