16 Pièces

Hocus Pocus

Motown France – 2010
par Soul Brotha, le 9 avril 2010
6

Malgré un grand succès critique, Hocus Pocus est un groupe qui fait débat. Dans une communauté hip hop française emplie d'esprits chagrins, la positivité de la formation nantaise passe mal. Le propos de HP est assez singulier, et plus que jamais en cette ère de rap hardcore. Un groupe qui parle d'amour, de petites choses de la vie, de geekeries, ça interpelle un peu. Et ce troisième album ne changera pas la tendance, il ne fera que l'accentuer.

En effet, il semblerait que la bande à 20Syl commence à quelque peu marquer le pas, surtout au niveau textuel. L'ami Sylvain est l'un des derniers véritables b-boys français mais il semblerait ici que la source de ses inspirations soit en train de se tarir. Les lyrics sont décevants quand ils ne sont pas énervants. Le déjà décrié "25/06" est assez affligeant de démagogie et de simplicité, et symbolise un message qui ne passe plus. Comparer la mort de Michael Jackson aux multiples conflits et injustices dans le monde, c'est incroyablement maladroit, presque enfantin.

En fait, on décèle sur 16 Pièces une tendance à vouloir se placer à contre-courant: contre les buzzs internet sur "Beautiful Loosers" (on retiendra tout de même la sympathique participation d'Alice Russell), contre la starification ("A Mi-Chemin" avec un bon Akhenaton)... Mais surtout, tout cela est bien trop gentil. La critique n'est pas nouvelle mais ici, elle est renforcée par la redite des thèmes et la relative simplicité de ces lyrics. Il est peut être injuste de critiquer un groupe qui tente de sortir des clichés et veut proposer une alternative mais cette tendance semble ici un peu forcée ou du moins cale par un manque patent d'inspiration.

De plus, le flow de 20Syl n'est pas le plus simple à appréhender sur la longueur d'un album. Techniquement, il est correct mais la relative monotonie tout le long de ces 16 Pièces ainsi qu'un timbre de voix un peu irritant rendent l'écoute difficile. D'ailleurs, il semble clair qu'à chaque fois qu'un invité se saisit du micro (Oxmo Puccino, les ex-Procussions, AKH...), le morceau en question respire et n'en devient que plus percutant.

Le plus frustrant dans tout ça, c'est que derrière les manettes, 20Syl est au sommet de son art. Niveau production, c'est du très très haut niveau. Le groupe nantais a encore élargi sa palette de sons depuis Place 54 et une teinte encore un peu plus jazzy et funky apporte du piment à 16 Pièces. Les compos du "Majeur qui me Démange", de "Signe du Temps" ou de "Beautiful Loosers" sont bluffantes par leurs mélodies simples et complexes à la fois. En fait, 20Syl est probablement le meilleur beatmaker français sur le marché et ça se sent.

Bref, le bilan de 16 Pièces est contrasté. Hocus Pocus et sa tête pensante 20Syl semblent arriver dans une sorte de fin de cycle. Au bout de trois albums, la formule commence à s'éroder et l'ennui à poindre. Le producteur nantais est un formidable bidouilleur de sons, on le sent aborder petit à petit des terrains toujours plus riches et captivants mais il semble avoir fait le tour en matière de MCeeing. Un peu de sang frais à ce niveau là serait probablement une bonne chose.

Le goût des autres :
5 Justin