Long Sleeves Cause Accidents

Yuko

Unday – 2014
par Jeff, le 28 avril 2014
9

Si la scène rock wallonne a certes quelques groupes qui méritent toute notre attention, le plébiscite dont font régulièrement l’objet ceux-ci confine parfois au ridicule. Certes, la défense d’un patrimoine culturel est essentielle, mais il y a dans ce recours systématique à la comparaison aux plus grands de la musique moderne (quand on ne les met pas sur un pied d’égalité) une certaine forme de malhonnêteté intellectuelle qu’il convient ici de dénoncer. Alors c’est vrai, de l’autre côté du rideau du chicon, la scène indé charrie elle aussi son lot de daubes surévaluées (coucou Zornik et consorts), mais il y a là-derrière une arrière-garde que l’on laisse mûrir à un rythme normal et qui surtout, bénéficie d’une exposition qui ne semble pas disproportionnée et permet certainement une éclosion dans des conditions idéales. 

Mais même dans ce contexte, il est des groupes dont le manque de reconnaissance relève du scandale. Et comment ne pas citer ici Yuko, dont nous chroniquons déjà le troisième album. Derrière ce projet, il y a un homme ambitieux et intelligent : Kristof Deneijs. En plus d’être la tête pensant de Yuko, il est également l’homme qui se cache derrière le label Unday, qui accueille des gens aussi recommandables que Flying Horseman ou Trixie Whitley, et dont on vous recommande très chaudement la récente compilation Music For Undays. Mais revenons-en à Yuko : ce projet est le réceptacle des idées de son géniteur, et le moins que l’on puisse dire, c’est que celui-ci n’en manque pas.

Avec Long Sleeves Cause Accidents, on s’éloigne un peu des débuts post-rock / folktronica du groupe, à une époque où celui-ci récitait poliment mais talentueusement ses gammes. On ne retrouve pas non plus totalement la légèreté toute printanière et les courbettes pop de As If We Were Dancing, précédent album porté par l’imparable single « Dolly Parton ». Certes, Yuko ne renie pas son parcours (au contraire, il s’en nourrit), mais chaque album semble être considéré par Kristof Deneijs comme une opportunité qui lui est laissée de brouiller les pistes, de faire bouger les lignes. Et à ce petit jeu-là, le Gantois fait montre d’une agilité remarquable. Folk-rock dans sa structure, la musique de Yuko est plus indéfinissable que jamais quand elle intègre des éléments de musique classique, quand elle prend un malin plaisir à jouer en permanence sur les contrastes et les ambiances, quand elle enchaîne les clins d’œil à des groupes qui doivent lui être chers – cela va de Pavement à Tunng en passant par Sigur Ros ou Bright Eyes.

Mais c’est justement quand on est le plus paumé que cela en devient vraiment intéressant : c’est à ce moment que l’on arrête d’essayer de comprendre où veut en venir le groupe, c’est à ce moment qu’on se laisse emporter dans les dédales d’un imaginaire dont lui seul détient les clés. C’est aussi à ce moment que la musique de Yuko prend véritablement forme devant nos yeux, dans toute sa splendeur et son relief. C’est également à ce moment que l’on comprend que Yuko est bel et bien l’un des groupes belges les plus sous-estimés de sa génération. Qu'on se le dise, bordel. Haut et fort.

Le goût des autres :
8 Amaury