In Stereo

Fenn O'Berg

Editions Mego – 2010
par Simon, le 14 avril 2010
6

Il y a (déjà) dix ans, un trio de super-héros du nom de Fenn O'Berg avait repoussé à deux reprises les limites de la musique électronique. The Magic Sound Of... et The Return Of... avaient montré au monde un nouveau champ d'investigation qui passait par l'improvisation live au laptop. Les membres de ce triumvirat font aujourd'hui partie des piliers de l'expérimentation et leurs noms ne posent plus problème à personne : il s'agit de Fennesz, Jim O'Rourke et Peter Rehberg (mieux connu sous le nom de Pita). Alors que l'excellent label Editions Mego vient tout juste de rééditer ces deux objets de collection, on ne s'attendait pas vraiment à réentendre parler de nos trois extra-terrestres.

Mais les choses ont depuis bien changé, à bien des niveaux. Tout d'abord, l'écart temporel entre l'acte premier et cette reformation. En dix ans, l'expérimentation libre au laptop est devenue une aventure que beaucoup après Fenn O'Berg ont pris à bras le corps (ont pense à Robin Fox ou encore à Florian Hecker pour les plus récents), de sorte que l'exclusivité que possédait le trio à l'époque s'est réduite comme peau de chagrin, devant maintenant s'accommoder d'une concurrence (presque) aussi talentueuse qu'eux trois réunis. Ensuite, en dix ans, nos trois électroniciens ont connu des destins pour le moins florissants : Christian Fennesz est devenu l'un des plus grands ambassadeurs que la musique ambient/expérimental ait connu, Peter Rehberg est devenu un scientifique du son, passant le plus clair de son temps sur Touch ou Editions Mego (soit les deux labels références de la scène), tandis que le sieur O'Rourke est devenu un producteur émérite (pour Wilco ou Joanna Newsom) et accessoirement le cinquième membre temporaire de Sonic Youth. Autant d'éléments qui faisaient de ce renouveau une affaire difficile.

Ensuite - et surtout - ce In Stereo a été enregistré en studio là où les deux premiers disques avaient été captés lors de prestations live aux quatre coins du globe. Alors on y gagne peut-être en précision (ce qui est encore à prouver) mais on y perd drôlement en spontanéité : finis les samples bubble-gum de Jim O'Rourke ou les interventions haineuses de Peter Rehberg, on se retrouve avec un produit trop léché, jamais assez freak. Pourtant, tout n'est pas négatif sur ces six pièces, loin de là même : on retrouve avec plaisir un travail de tous les instants sur les textures et les articulations, mais là où Magic & Return impressionait sans faiblir pendant presque deux heures, In Stereo se contente d'être simplement au niveau, forçant le talent sur vingt-cinq minutes seulement (« Part V » et « Part VII »). De la part de trois pointures comme eux, c'est bien trop peu.

Au final, on peut dire que In Stereo est une demi-réussite (ou une demi-déception c'est selon), mais quoiqu'il en soit, ce nouvel album consacre de manière probante deux choses. Premièrement, on constate qu'il est difficile – encore aujourd'hui – d'enfermer l'improvisation électronique dans un simple studio, celle-ci préférant le libertinage d'une prestation live. Enfin, deuxièmement, on peut valablement affirmer qu'à défaut de convaincre totalement, In Stereo vient en fait sublimer les deux premières œuvres du trio, rehaussées encore un peu plus sur le podium des musiques aventureuses. Pas si mal en soi.