Happy Birthday!

Modeselektor

Bpitch Control – 2007
par Simon, le 20 septembre 2007
8

Alors que nous étions sans nouvelles concrètes de BPitch Control, les Allemands de Modeselektor semblent vouloir se charger de la bonne tenue du label au moment crucial de la rentrée. Une douloureuse attente, faut-il dire, car depuis un certain Labland (dvd composé avec le monstrueux collectif de veejaying Pfadfinderei, à posséder absolument), le duo occupe une position de choix dans ce qu’il est coutume maintenant d’appeler la « Berlin Connexion ». Ce statut privilégié d’incontournable s’est vu naturellement renforcé par une poignée de maxis affriolants (« Turn Deaf ! » en tête) suivi d’un premier véritable effort, Hello Mum !, qui à tort de convaincre unanimement, a su redonner du sang neuf à une minimal allemande en perte de vitesse.

Ce Happy Birthday ! porte la lourde tâche de confirmer tout le bien que l’on pouvait penser du duo maintenant venue l’heure du deuxième album. La ligne directrice de cette galette n’étonne que très peu, on retrouve avec le même enthousiasme ces constructions urbaines et fignolées, solides fondations sur lesquelles le binôme prend continuellement appui pour soigner le reste de sa prose.

Deuxième constatation de taille, l’emploi récurrent des collaborations fructueuses, car l’art du featuring devient dans les mains de Modeselektor une discipline en elle-même. Le recours à cette technique est chirurgical, minutieusement pensé afin de conférer à cet album une nouvelle dimension, se diversifiant avec succès sans jamais se dénaturer. Cette discipline de fer amène à des résultats aussi saisissants que jouissifs : le classique morceau en compagnie des français de TTC, preuve s’il le fallait encore que ces emcee ne savent plus rien faire de bon sans l’aide de producteurs exogènes à leur formation bien amputée depuis un 3615 TTC ô combien prétentieux. Apparat offre sa précieuse présence pour honorer avec Paul St.Hilaire un ancien projet mis au placard (Modeselektor + Apparat = Moderat, d’une logique implacable), un hymne raggae sous tutelle technoïde pour un contenu final sublime de beauté et de talent mélangés ; le Germano-cubain Otto Von Schirach emmène avec lui son hardcore décalé, faisant de « Hyper Hyper » un titre hilarant, lorgnant du côté du tuning le plus sauvage entrecoupé de discours volontairement ridicules, du grand art. On passera rapidement sur « The White Flash » qui ressort comme la grande déception de cette galette, une collaboration avec monsieur Thom Yorke himself qui manque d’engagement, pourtant admirablement bien servi par une production plus qu’honnête du duo. On retrouve les warpiens de Maximo Park pour une approche new wave du genre techno, une belle réussite. Mais la véritable bombe réside dans la participation avec leurs compatriotes allemands de Puppetmastaz, transformant un abstract hip-hop pachydermique en machine à danser implacable, idéal pour tuer un moment de liesse populaire en plein cœur d’une salle bondée.

Mais parler d’Happy Birthday uniquement en terme de featurings reviendrait à fêter cet anniversaire sans bougies car cet album en devient remarquable grâce à la conscience qu’il a de lui-même : une galette qui s’assume de bout en bout, qui n’a pas peur d’aller où bon lui semble. Un hybride festif ne se contentant pas d’obéir à la loi capricieuse du dancefloor, allant même jusqu’à lui imposer ses propres codes à l’aide de son architecture robuste, ses nappes tantôt grondantes tantôt ronflantes et sa vision décomplexée du monde de la nuit. C’est peut être en ce sens que les Allemands de Modeselektor passent pour des exemples de bienveillance, de savoir-faire traditionnel. Fini donc le statut de meilleur espoir, le duo fête indéniablement avec cet anniversaire son entrée méritée dans la cour des grands. Fortement conseillé.

Le goût des autres :
8 Nicolas