Franchement, qui peut avoir encore envie d'écouter IAM en 2017 ?

par Jeff, le 22 janvier 2017
 iam

Aujourd'hui, on fête le quinzième anniversaire de Temps Mort, premier album solo d'un Booba qui, quoiqu'on pense de son œuvre, règne sans partage sur le rap français. Dans quelques mois, on fêtera le vingtième anniversaire de L'école du micro d'argent, l'un des tous grands disques du rap hexagonal. Une plaque impeccable, qui se terminait d'ailleurs sur ce que d'aucuns considèrent comme le plus grand titre du rap français - c'est "Demain c'est loin", pour les cancres.

Si l'on compare ces deux trajectoires à l'aune de disques très importants, c'est parce qu'on souhaite à B2O d'être un peu plus pertinent qu'IAM dans 5 ans. Pour rappel, la clique marseillaise prépare la sortie de son huitième album studio Rêvolution (rien que ce titre quoi...), prévu pour le 3 mars prochain. Et comme pour le précédent (qui se souvient encore d'Arts Martiens en 2013 ?), tout le monde ou presque va s'en battre les steaks d'ici à une sortie qui fera grand bruit parce que le label l'aura décidé et que la promotion sera à la hauteur du statut légendaire du crew d'Akhenaton et Shurik'n.

Mais ce qui est fort gênant dans cette histoire, ce n'est pas qu'il y ait une major (Def Jam pour ne pas la citer) pour continuer à parier quelques millions d'euros sur eux mais plutôt le fait qu'en écoutant "Monnaie de singe", premier extrait du disque, on comprend vite qu'IAM a en 2017 à peu près autant de pertinence et de poids dans le rap jeu que le parti socialiste dans la vie politique française. Triste et regrettable pour une fine équipe dont les textes d'une exceptionnelle justesse ont éduqué toute une génération dans les années 90.

On tire certainement sur l'ambulance, mais on le fait parce que ça nous arrache le fion de voir nos héros d'antan s'encroûter de la sorte. Des choses intelligentes, ils en ont certes plein la tête, mais ce discours moralisateur passe vraiment moins bien auprès d'un public qui a vieilli, grandi, mûri. Franchement, avoir trente ans et recevoir des leçons de vie de leur part, ça met vite très mal à l'aise, quand ça ne rentre pas par une oreille pour sortir par l'autre. En gros, IAM est devenu ce daron dépassé par les événements qui n'a plus aucune emprise sur sa descendance. Mais le pire dans tout cela, c'est que pour un nouveau titre qui s'attaque à Facebook et la désinformation (dixit les Inrocks), c'est loin d'être clair quand on écoute un titre aux lyrics horriblement cryptiques.

Quant aux plus jeunes susceptibles d'être plus réceptifs aux messages du crew, ils se biberonnent à autre chose depuis bien longtemps. Et, à bien y réfléchir, on peut ici déplorer qu'aucun héritier crédible (à part peut-être Médine) n'ait pris la place laissée vacante par IAM. Par contre, pour ce qui est d'avoir replacé Marseille sur la carte, le doute n'est plus permis : y'a JUL qui a déjà posé son gros cul et son maillot du Dortmund sur le trône.

Et puis plutôt que d'ergoter, il suffit de réécouter n'importe quelle intervention des Phocéens entre 1995 et 2005 puis d'enchaîner sur "Monnaie de singe" pour réaliser combien ces flows ont (mal) vieilli, combien ce rap engagé ne va pas engager grand monde. C'est dommage, car la production est tout à fait correcte, bien qu'en total décalage avec ce qui fait l'époque - mais là n'est fondamentalement pas le débat.

Bref, on se dit qu'on en a déjà beaucoup trop dit au sujet d'un titre qui est loin d'être mauvais, mais est tristement anecdotique et indigne de mecs qui nous ont tant fait rêver. Mais c'est bien connu : qui aime bien châtie bien. Et comme on a vénéré IAM à une époque...