Quand Deerhoof se met à la musique de film d'horreur, c'est forcément désarçonnant

par Émile, le 26 octobre 2018

On vous en parlant l'an passé: Deerhoof n'a rien perdu de sa capacité à nous étonner. Album après album, le groupe californien dévie à dessein de sa trajectoire, et se jette avec succès dans l'inconnu. Une nouvelle preuve aujourd'hui: un deux titres sorti sans prévenir, qui reprend les deux morceaux emblématiques de la bande originale de... Shining. Le classique de Kubrick, plus célèbre pour son cadrage et pour la direction de Nicholson que pour son scénario, est aussi un petit bijou de musique extradiégétique. L'occasion pour Deerhoof de se confronter à l'étrange exercice de la musique de film, vous direz-vous. En réalité, c'est beaucoup plus complexe que cela, car les deux morceaux sont eux-mêmes issus d'esthétiques relativement étrangères au groupe de San Francisco.

Le premier morceau par exemple, "Music for Strings, Percussion and Celesta sx106", est une composition de Belà Bartok, figure fondamentale de la modernité du début du 20e siècle et précurseur dans le travail du rapport entre les sonorités pop et la musique d'orchestre. Avec leur subtilité habituelle, les quatre membres du groupe ont réussi à retranscrire toutes ces problématiques en appliquant le prisme du noise à cette reprise. Une putain de merveille d'angoisse. 

Le second morceau, plus simple en apparence, rend le challenge presque plus complexe. La musique qui reprend l'ambiance années 1920, dans laquelle le personnage principal se plonge dans ces hallucinations liées au bar et aux ancestrales soirées de l'hôtel, n'est pas particulièrement propre au domaine sonore de Deerhoof. Une fois de plus, on sombre dans une folk song un peu pétée à la Connan Mockasin, pour un résultat encore plus angoissant que dans le film.

Et pour la cerise sur la montagne de chocolat sur l'immense gâteau qu'est ce court bijou, il y a la référence de la pochette au mal qui atteint le personnage joué par Nicholson lorsqu'il tente d'écrire son livre et ne parvient qu'à écrire une seule et unique phrase, en boucle: Deerhoof plays the music of the Shining.