QLF : que la francophonie. L'observatoire du rap en français #11

par Tariq, le 15 janvier 2018

A intervalles très réguliers, GMD vous sert le meilleur du rap (en) français. Le pire aussi parfois. 10 titres, 10 clips, 10 courts extraits pour résumer le bail. 

Makala - Ginger Juice 

Avec son attitude de militaire un jour de putsch, Makala prépare le terrain de son Supermak avec un titre dans la droite lignée de son EP Gun Love Fiction. Sur "Ginger Juice", le Suisse traite les concurrents de pains au lait en tapant des petits pas de C-Walk sur leurs crânes, pendant que Pink Flamingo crache une ligne de basse fiévreuse qui n'aurait pas fait tache sur le Fly or Die de N.E.R.D. Vous avez dit tube?

GREMS - Sans Titre 7 

D'habitude, on abhorre ces gens qui annoncent mettre un terme à leur carrière pour la relancer de plus belle quand ça les arrange. De le cas de GREMS, ce n'est pas tout à fait ça : le rap il ne l'a jamais vraiment quitté, mais Vampire en 2013 aurait du être son dernier album. Sauf que A&a sortira ce 19 janvier. On aimerait avoir la haine face à ce genre de revirement mais quand on écoute un truc aussi pété que "Sans Titre 7", et sa prod deepkho qui te mystifie comme un Twix, on se dit que le rap français n'a jamais eu autant besoin d'un album de son plus fier franc-tireur.

Lonely Band - Watch Out 

La pop glam et décadente de Lonely Band nous propulse directement dans le Lower East Side des années 80, et fait revivre sous nos yeux les soirées fiévreuses et poudrées des clubs new wave comme le CBGB ou le Max's Kansas City. "Watchout", brillant single extrait de l'album True Lovers, nous prouve une fois que de plus que le crooner Lonely Band est bien le secret le mieux gardé du label Grande Ville Records

Swift Guad - Je tourne en rond 

Les fans historique du maire de Montreuil vont voir flou : Swift Guad dégaine l'autotune dans un morceau qui porte le même nom qu'un album de l'Antéchrist Jul. Tout ça n'empêche pas le plus "narvalow des rappeurs de France" de briller, à base de phrasé intimiste posé sur des riffs de guitare rouillés, comme les coeurs dans les rues glaciales du 9-3 et d'ailleurs.

13 Block - Vide

Sevran, le ter-ter, la hass, la bricrave. Un recette plus classique qu'un grec "salade tomate oignon" pour un morceau de rap français. C'était sans compter sur le sens du hook de 13 Block et la prod qui sent le shit effrité d'Ikaz Boi. Une pépite qui s'éloigne de la drill dont nous gratifie habituellement les quatre jeunes Sevranais. On ne peut que les encourager dans cette direction. "La bonbonne est vide", mais la voilà remplie de notre amour pour ce titre.

Brav - Vouloir la paix 

Chez Din Records, rien ne change mais tout change : la volonté d'élever ses auditeurs, de les éduquer sans jouer le donneur de leçons, l'envie d'apporter un rap ludique où les réflexions ne sont pas toutes faites, seront toujours là. D'un autre côté, l'imagerie de Brav dans "Vouloir la paix" est bien plus décomplexée, mieux scénarisée et plus riche qu'auparavant. Son chant pacifique se trouve confronté à la réalité la plus évidente dans ce monde régi par une tripotée de fils de putes : "j'ai beau vouloir la paix, la guerre c'est plus facile à faire".

Lord Esperanza - Love Courtney

Plutôt insipide lorsqu'il il s'aventure sur le terrain de l'égotrip, Lord Esperanza rayonne dans l'exercice introspectif, et dans la narration de ses histoires de cœur. Le temps d'un morceau, l'autoproclamé "enfant du siècle" se transforme en un Kurt Cobain ravagé par l'amour qu'il porte à sa Courtney. L'interprétation est plus douce, le message plus intelligible. On espère que "Love Courtney" annonce une nouvelle direction musicale pour le jeune MC parisien.

S.Téban - Bingo

Marseille inspire de bien mauvaises séries et de bien tristes performances footballistiques, mais la cité phocéenne a toujours enfanté de nouveaux rappeurs talentueux. L'histoire ne s'arrêtera pas en 2018 puisque S.Téban compte bien braquer le game, et affiche à chaque nouveau morceau, un arsenal technique de plus en vaste qui lui permet de rêver en grand, à contrario du club de sa ville.

Hache-P - Biggie Smalls

Alors que Jok'air se transforme doucement mais sûrement en Vanessa Paradis, Hache-P, lui, parvient à synthétiser tout ce qui faisait le sel de la défunte-MZ : énergie communicative, franc-parler du ter-ter et passages plus mélodieux. Encore un petit effort et il pourra bientôt flamber sur des vrais yachts, parce que celui présent dans le clip a franchement la gueule du premier prix du catalogue de location.

Guizmo - Je n'ai plus peur de me souvenir ..

Le nom de Guizmo associé au titre "Je n'ai plus peur de me souvenir .." devrait être suffisamment explicite mais, au cas où, sachez qu'on y trouve exactement ce pourquoi on est venus : le rappeur s'y met totalement à nu, la pudeur reléguée au fond des chiottes, et revient en musique sur les épisodes les plus douloureux d'une vie que l'on sait dissolue depuis bien trop longtemps. "Je zone comme un chien et je m'endors dans une laverie, (...) j'perçois le bruit des machines, j'espère qu'elle lave mes péchés". Damn.