On ne pouvait pas ne pas vous parler du passage de Jul chez Daniela Lumbroso

par Aurélien, le 29 février 2016

Si vous n'avez pas pu échapper à un papier sur le dernier Maître Gims, sachez que vous n'êtes pas passés bien loin d'une bafouille au sujet du dernier Jul. Notamment parce qu'on avait vraiment envie de comprendre comment cette entité bigger than rap de chicha arrive à vendre autant que Rohff et Booba combinés. D'autant que le phénomène semble n'épargner personne : il n'y a qu'à voir la poignée de rédacteurs qui s'échangeaient sans vergogne des signes Jul lors du blind test à la Maison du Peuple de St-Gilles, il y a quelques jours.

Histoire de la faire courte, My World est un disque qui n'est pas dénué de qualités. Il est juste enregistré avec les pieds et bien trop spontané. Tout ce qui est enregistré finit sur le disque, sans que l'intéressé ne soit inquiété par un quelconque souci de cohérence. Excessivement long, particulièrement éprouvant vu son côté 100% DIY, le disque du Marseillais doit sa réussite à sa qualité de pur produit de la culture Facebook : Jul a cette obsession de vouloir offrir à son auditoire de la matière en continu - on s'est bat les steaks de la qualité ou du support. Les chiffres ont parlé : My World est double disque de platine. Wesh alors.

Une volonté d'omniprésence qui défie Lil B sur son propre terrain et qui parle forcément à la nouvelle génération Y (ou "en Y") pour qui le smartphone est le prolongement de la main. Pas surprenant que le phénomène crée un conflit générationnel immédiat avec l'arrière-garde, tous ces amateurs de rap qui arrivent encore à se réjouir du retour de Kool Shen en 2016. La grille d'appréciation est ici complètement biaisée, faussée. Cette musique s'apprécie avec les moyens de son époque, dans ce qu'elle a de plus instantané, de moins réfléchi, et sans doute aussi de plus éphémère.

Alors qu'est-ce qui nous pousse aujourd'hui à faire le point sur la carrière de Julien Marie, à l'heure où son actualité est (enfin) un peu plus calme ? Ni plus ni moins que son passage sur le plateau de Daniela Lumbroso, à l'occasion de la 12ème édition de la Fête de la Chanson Française - grand dieu... Une apparition qui n'est pas fondamentalement surprenante quand on l'entendait reprendre en toute impunité du Emile & Images sur "Normal". Génie ou malaise, on vous laisse faire le point avec vous-même.

Et là, tout de suite, la machine s'emballe : les shitstorms pleuvent, et les internets s'en donnent à cœur joie. Et pour cause: le Marseillais originaire de "la Puenta" s'est offert quelques minutes de gloire aux côtés de Johnny Hallyday et Patrick Bruel. Les ficelles sont grosses pour France 2, qui a bien compris comment affoler l'audimat en plaçant un extraterrestre au milieu d'une bande de dinosaures. N'empêche qu'on ne peut s'empêcher d'imaginer la réaction du public traditionnellement abonné aux émissions de Lumbroso, notamment lorsque le blondinet a débarqué en détournant le refrain de "Barbie Girl".

On ne va pas s'attarder sur la qualité du live en lui-même : c'est une vraie purge, et même les plus fans du bonhomme n'auront rien à y redire. Et en même temps, ce spectacle à une heure de grande écoute ne doit rien au hasard : si Jul préfère s'enfermer en studio, en bon Chief Keef de la cité phocéenne, plutôt que de faire des showcases dans les boîtes de France, c'est avant tout parce que le mec est plutôt timide et qu'il est tout sauf une bête de scène. En plus de ça, la dernière fois, ça s'est fini à grands coups d'Opinel dans les genoux de son manager.

C'est plutôt tout ce qui entoure son passage télé qui fascine, à vrai dire : les smartphones levés, la jeunesse venue en masse qui s'attroupe autour de la scène... Bref, ce petit cirque ressemble davantage à une grand messe de trois minutes vingt quatre qu'à un live. On se gondole pas mal à l'idée qu'ils aient eu à se farcir tout un casting de has been avant de finalement voir leur idole mais tout de même : un tel dévouement, ça ne se retrouve pas dans toutes les fanbases. Et plus particulièrement chez des artistes ayant zéro limites comme lui, capables de reprendre Aqua sur un morceau et de ramener Le Rat Luciano sur un autre. Autant de bonnes raisons de penser que s'il y en a bien un qui est conçu pour durer, c'est lui. 

Tout ça pour dire que ce samedi 27 février, l'histoire s'est écrite : Jul a crevé un plafond de verre que personne, à la sortie de "Ma Paranoïa" ou de "Briganter", ne pensait le voir atteindre. Il est devenu, qu'on le veuille ou non, la voix d'une génération. En un mot comme en cent, "il a cé-per", et il y avait quelque chose de très touchant à être témoin de ça.