Nicolas Bernier toujours au sommet de son art

par Simon, le 8 mars 2011

On a beau réaliser des dossiers exhaustifs sur le bonhomme, il semblerait qu'on ait toujours un temps de retard sur la discographie de Nicolas Bernier. Si le Montréalais est si difficile à suivre, c'est peut-être parce qu'il enchaîne les sorties à un rythme effréné, sur des labels divers, avec des esthétiques qui le sont tout autant. Il est une attitude parfois déplaisante qui consiste pour les producteurs d'avant-garde à brouiller les pistes jusqu'à la quasi-disparition. Mais ici cette diversité s'explique d'abord et avant tout par la volonté d'explorer les terrains électroniques encore vierges, et non par une course déviante à l'anonymat. C'est donc avec trois disques parus en quelques mois sur trois structures différentes que nous reviens Nicolas Bernier. Que vous soyez un habitué du personnage ou un jeune néophyte, nous vous proposons avec la même sollicitude d'effectuer avec nous un petit tour d'horizons des projets en présence.

Courant.air est très certainement l'œuvre qui ressemble le plus à son auteur : dans un habile mélange d'électro-acoustique légère et de folk cristallin – accompagné pour la cause du très bon Simon Trottier - Nicolas Bernier fait l'étalage d'une patte musicale qu'on commence à connaître comme notre poche. Disque concept autour des vents – agents constructeur et déconstructeurs par excellence - courant.air est fait de ruptures, de construction et de déconstruction habiles. Le thème se décline en une multitudes de souffles, leurs matérialisations allant jusqu'à des bleeps signalétiques et des couleurs boisées. De l'autre côté, Simon Trottier va et vient, sa guitare acoustique tantôt contemplative, tantôt plus explosive, pour donner encore un peu plus de couleur à une œuvre déjà plus que charmante.

nicolas bernier | courant.air from Nicolas Bernier on Vimeo.

Strings.Lines est quant à elle très certainement l'une des plus grandes œuvres du compositeur Canadien. C'est donc avec une certaine logique qu'on la retrouve sur Crónica, l'une des figures de proue mondiale du sound-design et de l'avant-garde électronique. Collectionneur acharné de diapasons acoustiques, Nicolas Bernier en fait l'un des thèmes de Strings.Lines : le musicien a préalablement fait parler ces engins pour obtenir une gamme extrêmement variée de tonalités, allant des plus graves au plus aiguës (parfois même à la limite de la perception humaine). Cet étalage d'ondes sinusoïdales, dont le symbole est une ligne (Lines) , a été agencé dans un concerto à géométrie variable, déjà en lui-même admirable. Puis il y ce travail sur les cordes (Strings). Emmenés par Pierre-Yves Martel et Chris Bartos, la viole de gambe et le violon ont eu pour mission de venir s'intercaler - parfois de manière instinctive, parfois de manière mathématique – dans ce monde fait variations tonales. L'attaque sur les instruments est particulièrement brillante, et donne à ces cordes un rendu cru et extrêmement poignant. Tout ces matériaux (Strings + Lines) a ensuite été réarrangé sous la forme de cinq pièces électro-acoustiques. Le résultat est à tomber raide : à l'image de ce "Line (B)", Strings.Lines est à la fois lyrique, intime, violent et prenant, le tout dans un fourmillement de détail qui nous permet de découvrir et redécouvrir ce disque à chaque écoute. Un vrai grand classique, qui témoigne de l'habilité de Nicolas Bernier à s'ouvrir à des pans musicaux plus durs, plus contemporains, sans perdre un gramme d'émotion.

On clôture la marche par The Dancing Deer EP, sorti sur la référence Home Normal. Cette œuvre est à la fois à l'image de son géniteur – précise, fouillée et pleine d'émotion – mais aussi pour une large partie assez inédite. Sorte de collage « pop » rempli de claviers IDM de toute beauté, de voix hantées, de guitares un peu post-rock et même de rythmiques « linéaires », The Dancing Deer EP brouille les pistes et part dans des directions plus facilement assimilables. Reste encore tout ces brouillards grésillants, ces ruptures electronica et ces changements de cap, preuves que Nicolas Bernier fait encore et toujours du Nicolas Bernier. Et c'est une vraie bonne nouvelle. Trois disques pour trois directions opposées, mais toujours ce même régal au moment d'aborder et de se plonger dans les travaux du maestro Montréalais. C'est ce qu'on appelle un carton plein.

nicolas bernier | The Dancing Deer EP from Nicolas Bernier on Vimeo.