Nef The Pharaoh et Kamaiyah, la bouffée d'air frais venue de la Bay Area

par Aurélien, le 18 avril 2016

Que tu écoutes beaucoup de musique ou non, ce fait n'a pas pu t'échapper : il recommence à faire beau et chaud. Tu tombes progressivement ta fidèle doudoune pour enfiler un mi-saison, tes hormones recommencent à te travailler et tu cherches de nouveau la compagnie d'une terrasse pour te mettre des UV plein la lucarne. Logique donc que tes oreilles réclament quelque chose de plus léger que cet obscur disque de drone qui les compresse depuis maintenant trois semaines.

C'est pour cette raison qu'on te propose un aller-simple pour San Francisco. Une scène rap qui, un peu comme le grime anglais, profite d'un spectaculaire coup de projecteur après avoir été bien boudée pendant deux grosses décennies. Et pour aborder le sujet, on va se contenter de dédier nos paragraphes à deux des plus flamboyants rookies tout droit sortis de la Bay Area : Nef The Pharaoh et Kamaiyah.

Tu connais peut-être déjà Nef The Pharaoh : le poulain d'E-40 a eu droit à un paragraphe fougueux sur notre dernier Hood Therapy. Il faut dire qu'en seulement deux EPs, le MC de 21 ans a su s'imposer comme l'une des plus grosses machines à tubes du sud de la Californie, de celles qui peuvent s'exporter, comme en témoigne l'impressionnante liste de featurings du jeune homme depuis plusieurs mois.

Car si le personnage mobilise l'affectif de sa ville natale avec ses grooves ratchet, il ne se cache pas non plus être un grand fan de Cash Money Records : sur "Meantime", il offre un couplet en révérence à l'excellent "HA" de Juvenile, il titre un morceau "Big Tymin'" où il rend hommage au groupe de Birdman et Mannie Fresh. Et même quand il s'éloigne de ses grooves hyphy, c'est pour offrir "Come Pick Me Up", un titre introspectif qui n'aurait absolument pas dénoté sur un bon album de Lil Wayne. En un mot comme en cent, Tonee Hayes réunit le meilleur de deux mondes qu'on ne pensait pas voir matcher un jour : le côté clinquant de la Nouvelle-Orléans et celui plus décomplexé de la Bay Area.

En tout cas, son "BMD" révélé la semaine dernière (et encore produit par Cardo) est une nouvelle preuve qu'on n'a pas fini d'entendre parler de lui. Et c'est tant mieux.

En ce qui concerne Kamaiyah, il ne faut pas se faire avoir : si on confond par moments son timbre de voix avec celui de Boosie Badazz, c'est bel et bien une femme qu'on écoute sur A Good Night In The Ghetto, son premier effort. Une female MC au caractère bien trempé : il n'y a qu'à l'écouter jouer la croqueuse d'hommes sur le très bon "Niggas" pour comprendre qu'avec son bagout digne d'une Missy Elliott, la donzelle n'est pas du genre à être la femme d'un seul homme. Une parenté avec l'ancienne protégée de Timbaland qui est encore plus flagrante lorsqu'on la voit présenter sa carte de visite sur la scène du SXSW. Et on ne peut qu'avoir beaucoup d'amour pour elle quand on voit la tournure que prend la carrière de la Miss Misdemeanor prend ces derniers temps.

A Good Night In The Ghetto, ce sont seize titres qui sentent bon les années 90 (petit poke à Biggie sur le bien nommé "Mo Money Mo Problems") et qui ne se prennent pas la tête à vouloir sonner "rétro". C'est même un produit bien ancré dans son époque, qui laisse la part belle à la TR-808 pour faire rebondir les enceintes de ta Clio, qui ne se prive jamais d'un petit banger ratchet bien gras histoire de faire remonter la pression entre deux slow jamz. On croise même le flow de chien galeux de YG sur une prod qui lui ressemble bien et, chose assez rare pour être soulignée, quelques interludes sympathiques viennent rythmer la narration de cet album qui sent bon l'été et qui a déjà pas mal affolé les radars de Pitchfork.

Autant le dire : il faudrait vraiment que Kamaiyah choisisse un plan de carrière à la 100s pour qu'on ne reparle pas plus d'elle dans les mois à venir. En plus, ce premier effort est en libre téléchargement et est, de surcroît, en parfait accord avec la météo. Foncez, vous ne le regretterez pas.