Love lockdown #4 : Nicki Minaj - Pink Friday

par Ludo, le 20 mars 2020

Un confinement, ça laisse du temps. Du temps pour ranger des trucs, comme les dossiers sur son bureau, son placard à épices ou la pile de draps, mais aussi du temps pour un autre type de tri. Pourquoi ne pas se poser sur son canapé, le regard plongé dans le vide, et laisser sa mémoire choisir un disque pour en parler moins à travers le prisme de la raison que celui du cœur ? Nous, c'est ce qu'on a décidé de faire.

Le premier album de Nicki Minaj, Pink Friday, est sorti il y a presque 10 ans. À l’époque j’avais 14 ans et j’étais loin de m’y connaître en musique - bon le constat est toujours le même en 2020 mais passons. Les clips étaient encore diffusés à la TV et c’était en zappant au hasard sur la chaîne Direct Star que j’avais découvert Nicki Minaj. « Fly », « Check It Out » et « Super Bass » étaient les clips qui m’avaient le plus marqué. J’y découvrais une rappeuse un peu barrée, légèrement grotesque, mais à l’énergie et à la dérision communicatives. Les couleurs étaient fluos (c’était la mode à l’époque) et ses gimmicks redoutablement kitsch, mais le personnage avait tellement de charisme que ça passait pour aussi dingo qu’un épisode de Teamo Supremo .

À l’époque je ne connaissais pas encore Missy Elliott, Busta Rhymes, Ol’Dirty Bastard et Ludacris. Je ne savais pas qu’on fait pouvait faire le con et rapper, accepter son côté freak, marginal dans un genre musical en apparence très codifié et en même temps caracoler en têtes des ventes du Billboard. Et là je découvre une rappeuse hors pair, jamais la dernière pour déconner avec des grimaces ridicules ou des rimes complètements absurdes. Je ne comprenais pas bien l’anglais mais des phases comme « If I had a dick, I would pull it out and piss on 'em (psss) » ou « Raah, raah, raah, like a dungeon dragon » me paraissaient tellement absurdes qu’elles en devenaient hilarantes pour le petit gars jamais avare d’une blague potache que j’étais (et que je suis toujours). J’adorais toute la galerie de personnages qu’elle se construisait au fil de ses clips (même avec les veuches des Welsh Guards patentés sur « Fly » elle arrivait à avoir du charisme). J’avais tout de même une petite préférence pour son alter ego Roman Zolanski qu’elle avait déjà révélé sur l’incroyable « Monster » quelques mois plus tôt.

Par la suite, je comprendrai que Nicki Minaj était encore beaucoup plus truculente sur ses quatre précédentes mixtapes (en comptant l'officieux Barbie World ). Contrainte classique associée au premier album, la direction artistique était davantage calibrée pour plaire aux masses qui n'aimaient pas particulièrement le rap (c’était mon cas). Mais c’est toujours le sourire aux lèvres que je réécoute cet album dans mes moments de spleen. Car c’est justement cette fraîcheur dans les propos, ces jeux de rôles permanents, et ce furieux talent pour marier les refrains chantés et les couplets rappés qui expliquent encore aujourd’hui mon coup de foudre musical.

Plus tard je découvrirai des rappeur.euse.s comme Tyler, The Creator, Azealia Banks, Dai Burger, Cupcakke, Rico Nasty ou Tierra Whack qui partageront ce goût pour l’irrévérence et la mise en scène de personnages délirants. Mais jamais je n’oublierai cette rappeuse hors norme qui a permis au gamin timide que j’étais de pouvoir enfin s’exprimer au sujet d'une passion qui n’a jamais cessé de l’accompagner.

Les autres Love lockdown :

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Love lockdown #2 : Grits - The Art of Translation
Love lockdown #3 : Lil Ugly Mane - Mista Thug Isolation