Light In The Attic rend hommage à Lucio Battisti, génie de la pop italienne

par Jeff, le 4 septembre 2016

Assez régulièrement, on vous parle de Light in the Attic, label spécialisé dans les belles rééditions de trucs dont on avait un peu oublié l'existence - quand on ne la soupçonnait même pas. Et on le fait à très juste titre, vu la qualité des disques mis en lumière par la maison de Seattle. Ainsi, on vous parlait récemment du très beau The Columbia Years 1969 - 1969 de Betty Davis ou de la B.O. du docu sur le Dune d'Alejandro Jodorowsky.

Cette fois, c'est un artiste absolument essentiel mais un peu ignoré par chez nous qui est mis à l'honneur : Lucio Battisti. Si son nom ne vous dit rien parce que, comme 99% des gens normalement constitués, vous vous en battez les polpette de la musique italienne, sachez que le natif de Poggio Bustone est probablement la figure la plus passionnante de la pop italienne - au hit parade de nos cœurs, il finit juste devant un autre monstre de la musique transalpine, Lucio Dalla.

Si tous les plus grands albums de Lucio Battisti (et y'en a une belle chiée) se trouvent encore assez aisément dans les circuits traditionnels, l'intérêt d'une réédition comme celle-ci tient principalement dans le beauté de l'objet proposé par Light in the Attic, dans la qualité du remaster, mais également dans les liner notes qui contiennent un entretien avec son indéfectible parolier Giulio ‘Mogol’ Rapetti, qui fut l'un des premiers à pousser Lucio Battisti à écrire ses propres chansons, à une époque où il était plutôt occupé à reprendre des standards de la musique américaine avec son groupe Dik Dik.

Dans un communiqué de presse qui vend pas mal de rêve, Light in the Attic se risque quand même à comparer Lucio Battisti à Serge Gainsbourg. Ainsi, ce Amore e non amore réédité par le label serait son Histoire de Melody Nelson à lui, "a concept album that’s widely regarded as a formative artistic achievement". On leur donne complètement raison en écoutant le titre qui ouvre le disque :

En même temps, toute personne de goût qui a pris un peu le temps de se plonger dans la riche discographie d'un artiste qui nous a quittés en 1998 ne manquera pas de relever que les comparaisons avec l'un des tout grands de la chanson française est amplement justifiée.

En effet, si l'œuvre de Lucio Battisti se sera de tous temps nourrie d'influences françaises et anglo-saxonnes, il ressort invariablement du long travail de digestion un produit singulièrement italien, loin des clichés de voix rauque de crooner à la petite semaine et plus loin encore de tout ce qui est parvenu à traverser les frontières de la Botte.

Sur Amore e non amore, troisième album sorti en 1971, c'est principalement le blues, le folk et le prog rock qui sont mis à l'honneur, sur un disque que le label de l'époque de Battisti avait rechigné à sortir vu son caractère peu bankable - et comment ici ne pas penser à l'immense Métronomie de Nino Ferrer, album un peu trop vite oublié de la carrière d'un type génial qui n'aura jamais supporté d'être limité à "Mirza" ou à "Le sud" - d'ailleurs, certains avancent que c'est cette reconnaissance mal placée qui l'aurait poussé à se tirer une balle en plein cœur en 1998. Au fait, vu la difficulté de se procurer le fameux Métronomie, qui atteint actuellement des prix stratosphériques sur le marché de la seconde main, on pense très fort à un chouette label situé dans l'état de Washington, qui serait bien inspiré de redonner au disque toute l'exposition qu'il mérite.

En attendant que cela arrive, vous pouvez déjà pré-commander Amore e non amore sur le site de Light in the Attic, mais également vous plonger dans la belle discographie de Lucio Battisti. Si vous ne savez pas trop par où commencer, on vous conseille ici Emozioni, Une donna per amico et Lucio Battisti, la batteria, il contrabbasso, eccetera - disque sur lequel on trouve une ballade mal chantée mais néanmoins déchirante (sortez les mouchoirs pour "La compagnia") et un autre truc complètement badass qu'on croirait sorti des sessions d'enregistrement de The Rapture dans les studios DFA de James Murphy. Vous l'aurez compris, découvrir ce mec en 2016, c'est un peu comme un pote qui découvre aujourd'hui The Wire : y'a de la joie et beaucoup d'envie aussi.