Hotel Lux, ou le post-punk façon Ken Loach

par Jeff, le 6 janvier 2020

Les statistiques sont formelles : l'année dernière, vous avez beaucoup cliqué sur les articles où l'on disait du mal de gens encensés partout ailleurs - Nick Cave, IAM et Roméo Elvis en tête. Vous avez aussi énormément cliqué sur un dossier qui prédisait l'inexorable montée en puissance de toute une scène post-punk. Et ça n'a pas loupé, puisque Fontaines D.C., les Viagra Boys ou Drahla ne sont pas vraiment passés inaperçus en 2019. S'il fallait rééditer l'exercice en 2020, nul doute que les gars de Hotel Lux seraient bien en évidence dans notre papier.

Si vous avez déjà cliqué sur la vidéo ci-dessous avant de poursuivre la lecture de l'article, vous aurez vite remarqué chez ces jeunes gens une réelle volonté de mettre en musique leur quotidien, mais aussi celui d'une Angleterre plutôt working class - pas étonnant du coup que le nom du groupe fasse référence à un hôtel moscovite important dans l'histoire du communisme.

Pour arriver à ses fins et à nos conduits auditifs, le groupe s'appuie d'abord sur le charisme naturel de son chanteur Lewis Duffin, qui rivalise souvent d'efficacité avec Charlie Steen de Shame. Mais celui-ci ne serait rien sans un groupe qui est aussi à l'aise sur des terrains de jeu pop et "mélodiques" que dans des envolées autrement plus énergiques. Une dualité parfaitement illustrée par le single "The Last Hangman", qui conte l'histoire d'Albert Pierrepoint, employé des services carcéraux de Sa Majesté et dont on estime qu'en sa qualité de bourreau, il a exécuté un bon 500 personnes au cours d'une carrière terminée au mitan des années 50. Fun, mais pas autant que la chanson du groupe sur un pédophile.

Preuve ultime que le groupe aime parler de choses qui passionnent l'Angleterre, son dernier single en date utilise l'analogie du tabloïd pour questionner le rôle de l'auteur dans la musique : "The song begs the question: Are singers structuring their take on the lyrics to fit the mould they’re taught makes a song good? Possibly. ‘Tabloid Newspaper’ can be heard as a light-hearted exposé of those who are playing games of smoke and mirrors. Equally, it’s a morbid reminder of the sabotaging role the tabloids can play in people’s lives." Derrière un propos plutôt intello se cache surtout un titre d'une efficacité certaine, qui rappellera les géniaux Rakes aux plus anciens qui nous lisent, et qui surtout place Hotel Lux dans un fauteuil pour animer l'année 2020.