Goûte Mes Mix #77: Gqomunion

par Jeff, le 27 novembre 2018

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Tracklist

  1. DJ Lag & Epic B - Going Modd
  2. Distruction Boyz - Summer Bass
  3. Dings - Sal'thwala
  4. Sho Madjozi - Huku
  5. Citizen Boy - Friday Night
  6. FAKA - Ngizokuzingela (feat. LaSoulmate)
  7. Realceeyaah - Bang Bang (Salute to Rudeboyz)
  8. Busiswa - Weh DJ (feat. KayGee The Vibe)
  9. Rudeboyz - Damage Control
  10. Audioboyz - Drum Feast (Original Mix)
  11. DJ Maphorisa, Sbucardo Da DJ - Hai Duu (feat. Busiswa & Beast)
  12. Menchess - Loxion Techno
  13. Oxide - Lost & Found

Jé...guécom...gh-com..., mais comment ça se prononce ce truc ? On aurait pu partir du principe que nos bouches avaient des capacités limitées et que finalement, rien ne nous obligeait à faire autre chose que l'écrire de temps en temps pour nous la raconter un peu plus encore avec un genre venu d'on ne sait où. Sauf que ce ne sera pas possible. Le gqom, nouvelle dinguerie du clubbing sud-africain, est en train de conquérir le monde. Paris, Berlin, Détroit, Londres, toutes les villes électroniques voient petit à petit ces quatre lettres écrites sur des affiches annonçant de folles nuits dansantes sur un rythme conçu pour briser les hanches. Devant l'ampleur du phénomène et la richesse musicale et sociale de ce mouvement, on a voulu en savoir plus en contactant les deux fondateurs de la Gqomunion. Sébastien et Amaury, deux DJs et organisateurs de soirées parisiennes, ont eu l'excellente idée de créer un support visant à promouvoir le gqom en France. Pour nos beaux yeux, ils ont accepté de répondre à nos questions un peu naïves et de nous envoyer un succulent échantillon de ce qui se faisait mieux à l'heure actuelle.

De l’extérieur, on peut avoir l’impression que le gqom, c’est simplement une rythmique, mais il en faut peu pour se rendre compte que c’est bien plus que ça. Il vient d’où en fait, ce mouvement ?

Sébastien : Il est originaire de Durban, en Afrique du Sud. C'est une scène locale très singulière, apparue il y a 8 ans environ, autour, entre autres, de DJ Gukwa, des Naked Boyz, de Griffit Vigo... Tout a commencé lorsqu'une nouvelle génération de producteurs a souhaité se démarquer de la kwaito house plutôt édulcorée et omniprésente, tant dans les clubs que sur les ondes à l'époque, pour donner vie à son propre type de dance music dans les townships. Le gqom est une musique de la périphérie, très intense, presque insurrectionnelle, faite pour terrasser le soundsystem des taxis locaux. Ajoute à cette énergie folle un héritage rythmique issu des musiques traditionnelles zulu et un art du sampling proche de la tech ou de la trap, et tu obtiens tout simplement une véritable petite révolution en matière de musique de club, à l'image du grime au Royaume-Uni ou du footwork à Chicago. Le gqom est une musique majeure et l'avenir ne pourra que nous conforter dans cette idée.

Si tu suis quelques artistes comme Dj Lag ou Dj Lesoul, tu te rends compte qu’ils tournent énormément, et pas qu’en Afrique du Sud. Comment une musique électronique sud-africaine a-t-elle pu s’exporter à ce point-là ?

Amaury : Tout simplement parce qu'elle est d'une efficacité hallucinante. Chaque track est un club killer ou presque. Plus concrètement, toute une frange des acteurs internationaux de la musique électronique est férue de nouveautés, s'intéresse aux musiques idiomatiques et défriche un peu - y compris parmi les médias, je pense notamment à Dummy, Fact, NTS, Rinse, voire Fader et Dazed... L'exemple du footwork est assez parlant, certains artistes se sont fait connaître sur des blogs, des vidéos de danse ont circulé, puis les labels Planet Mu et Hyperdub ont sorti les premières compilations, les premiers EPs et albums d'artistes, et le genre a littéralement explosé. Le gqom s'est fait connaître d'une manière similaire. Il est évident que des figures comme Moleskin, DJ et label head de Goon Club Allstars à Londres, ainsi que Nan Kolè, fondateur de Gqom Oh!, le label référent en matière de gqom, ont énormément contribué à son rayonnement en Europe, tout comme les relais presse susmentionnés. En France, des gens comme Betty, Teki Latex, Crystallmess ou Tommy Kid de [re]sources en jouent depuis un petit moment déjà. Cette année, Kelela a invité DJ Lag à la remixer, Burial et Kode9 ont calé 4 morceaux gqom dans leur mix Fabriclive et Major Lazer a sorti un track gqom avec Babes Wodumo en featuring. L'embrasement est imminent.

Gqomunion, ça a commencé comment ?

Sébastien : Amaury et moi sommes devenus d'énormes fans de gqom au cours des trois ou quatre dernières années. J'ai écouté mon premier mix gqom fin 2015, il s'agissait du Dazed Mix des Rudeboyz justement. Dans la foulée, j'ai passé des heures et des heures à digger sur Kasimp3, une plateforme de partage sud-africaine assez DIY basée sur un système de charts. À l'époque où le site existait encore, j'ai accumulé de nombreux tracks et noué pas mal de contacts au sein de la scène gqom. 

Amaury : Je suis programmateur du Coconut Festival et j’officie au sein du collectif Fortune à Bruxelles, avec pas mal d’expérience dans l'organisation de soirées. C'est tout naturellement qu'on s'est lancé dans le projet d'inviter à Paris nos DJs et producteurs gqom préférés. La première Gqomunion s'est faite entre nous en décembre 2017 et dès la seconde, début 2018, nous avons eu l'occasion de convier DJ Lag pour une grosse soirée à L’International. Depuis, les choses se sont accélérées, on reçoit de plus en plus de propositions. Il y a déjà eu cinq soirées, dont la dernière à La Java le 31 octobre avec l’emblématique duo sud-africain Faka, mais aussi la DJ française Betty, Nyoko Bokbaë, le nouveau projet de Bamao Yendé - soirée co-organisée avec l’excellent collectif "Filles de Blédards" où on a rassemblé 700 personnes. L'objectif pour nous est naturellement de faire écouter le gqom un peu partout et de fédérer un maximum de gens autour de cette musique incroyable. Notre prochaine soirée a lieu le 1er décembre prochain au Hasard Ludique, dans le cadre du festival Nyokobop. Pour l’occasion on a invité Dominowe, l’un des noms emblématiques du gqom sud-africain, et on a convié de nouveau Nan Kolé, qui était déjà venu chez nous en juin dernier. 

Il ressemble à quoi, le public du gqom à Paris ?

Sébastien: Il s'agit essentiellement de clubbers. Il est très éclectique en fait, et on attache une grande importance à ce qu'il le reste et le devienne davantage au fil des projets. Tu peux y trouver à la fois des danseurs et des vogueurs, des geeks de la dance music, des curieux, des amateurs de musiques trad' africaines ou brésiliennes...

Quand on voit notamment les vidéos de clash de danse en Afrique du Sud et les différents quartiers qui sont représentés dans cette musique, on se demande comment ça fonctionne, l’importation d’une musique pareille ?

Sébastien: Par le biais des médias, des radios, des DJ sets, du bouche-à-oreille. Des vidéos de danse aussi. Le bengha, intrinsèquement lié au gqom, a contribué considérablement à son déploiement, notamment sur les réseaux. Quand une musique aussi forte et unique émerge, elle ne peut que se propager, même si cela doit mettre des années.

Amaury: De notre côté, on ne s'est pas réellement posé la question, on a débuté en toute humilité, avec l'envie de partager notre passion pour ce type de son. C'est a posteriori que la question s'est posée, à mesure que le collectif s'est construit et étoffé. Priscillia s'occupe désormais de la communication sur les réseaux et du ciblage des publics, Dom gère les relations presse, c'est super intéressant d'y réfléchir ensemble et d'agir au mieux pour faire rayonner ce genre par ici.

C’est quoi, vos futurs projets pour Gqomunion ?

Amaury: De nouvelles soirées, de nouvelles connexions au sein de la scène club parisienne, je l'espère, et de nouveaux plateaux. Dans l'immédiat, une belle date au Hasard Ludique le 1er décembre avec Dominowe, Nan Kolè et nous-mêmes, ainsi que la projection du documentaire Woza Taxi. Nous sommes très impatients.

www.facebook.com/gqomunion/