Damso se prend les pieds dans le tapis... et on l'en excuse

par Amaury, le 7 avril 2021

Cette nuit, Damso s’est fendu d’un inédit quelque peu particulier : si on est à présent habitué aux morceaux égrenés par l’artiste sur sa chaîne YouTube, qui a ainsi connu de très grands succès, il faut reconnaître que le dernier en date détonne quelque peu avec la manière de faire de ses prédécesseurs, bien plus nerveux. Mais non, l’énergie ne serait pas tant le problème. Avec du recul, on doit d’ailleurs confesser que le dernier album de Damso, QALF, qui avait subi ce type de reproches, est en fait un très bon disque, bien qu’il s’écarte des humeurs nwaar de son géniteur. L’énergie n’a donc rien avoir là-dedans. Dans quoi ?

Et bien justement, le problème de ce morceau balancé en scred, « j’avais juste envie d’écrire », réside dans son flirt avec le processus d’écriture plutôt qu’avec la conception d’un titre chanté : Damso se prend ici pour un poète. Ah oui, ah ben, merde.

Dès le titre, on aurait pu s’attendre à un spoken word très inspiré, mais au lieu de cela, le flow se place entre un kickage sec et une parlote fluide, sur un fond clippé des plus bateaux (oui, avec même un bateau dedans). Cette vision terrestre assortie au défilement de texte tend à ranger le morceau dans ces productions de slameurs du dimanche, dont les affects se chargent d’émotions hyper-stéréotypées. La récitation de Damso se couche de surcroît sur un piano : il s’agit d’un piano-voix – outch.

On a donc compté sur les qualités de notre compatriote pour sublimer l’exercice, ce qu’il ne parviendra finalement pas à faire avec ses punchlines méga clichées « bave de crapaud atteignant colombe » ; ses adlibs inadéquats « gang … dems » ; la conclusion chantée « PoEsIeee… trou noir » ; et surtout, ce flow qui ne parvient pas à danser sur ses pieds. Ayant en tête la version inédite du piano-voix de "Nirvana" qu’a livrée Doc Gyneco, ou la plus récente formule apaisée des « ennuis » de Green Montana, on ne peut pas arriver à une autre conclusion que celle-ci : Damso s’est tout simplement planté. Et c’est tant mieux.

Cet échec témoigne des expérimentations personnelles auxquelles se livre l’artiste, avec des manières bien moins flamboyantes qu’un Frank Ocean, par exemple, qui laisse quant à lui des traces visibles de son laboratoire dans ses morceaux. Damso travaille son être, et fait ensuite des titres qui le traduisent. D’une trap sombre très attendue pour se diriger vers un rap plus subtil et pourtant tout aussi obscur, les morceaux officiels à venir proposeront peut-être la solution qu’on attendait aujourd’hui. On le souhaite.

Et puisqu’on ne pouvait pas rester sur une note négative, au vu de l’amour qu’on porte pour Damso, on vous rappelle qu’il est tout récemment apparu sur le Caméléon du marocain ElGrandeToto au fil d’un exercice dans lequel le Belge excelle et supplante la concurrence grâce à son flow mélodique au possible qui glisse au travers des productions.