Boîte à trésors : Sayem

par Jeff, le 1 janvier 1970

John Cunningham fait partie de cette caste particulièrement chérie des héros discrets. C'est bien simple, le songwriter anglais est tellement peu présent sur nos radars qu'il n'a même pas de page Wikipédia.

Pourtant, tout ceux qui ont eu la chance de croiser sa route vous le diront: ce type-là possède un talent fou et une manière absolument poignante d'appréhender l'écriture de pop songs. La dernière fois que John Cunningham s'est signalé discographiquement, c'était en 2003 avec Happy-Go-Unlucky. A l'époque, la critique était comme d'habitude unanime: l'homme avait une fois de plus accouché d'un disque magnifique où pop et folk se mariaient pour créer de purs moments de douce mélancolie.

Il y a quelques mois, nous apprenions que John Cunningham allait ressortir ses deux meilleurs albums (le Happy-Go-Unlucky susmentionné et le déchirant Homeless House) pour le plus grand plaisir de fans ayant le plus grand mal à se procurer aujourd'hui ses disques. C'est de cette décision de sortir de l'ombre que nous est venue l'idée, pas bien originale il est vrai, de lui demander quels étaient ses dix morceaux de chevet, ces chansons qui ont façonné son songwriting et permis à l'artiste qu'il est aujourd'hui d'éclore.

Cela donne dix titres qui ne se limitent pas aux genres explorés par John Cunningham sur ses disques. Cela donne également une « boîte à trésors » qui, sans surprise, privilégie les émotions pures aux effets de manche à trois balles.

Le tout accompagné des commentaires de John Cunningham himself, qui nous a promis un nouvel album pour l'année 2011. Celui-ci est en cours d'enregistrement et devrait sortir au printemps sur One Little Indian dans la plus pure indifférence. Mais pour notre plus grand bonheur quand même.

Kraftwerk

Autobahn

J’ai eu une enfance marquée par un père fan de musique, mais tout en vinyl s'il vous plaît. Et principalement marquée par le rock. J’ai donc grandi à coups de guitare électrique dans les tympans: les Rolling Stones, Joy Division, The Who, et j'en passe. Mon père était également fan de toute la scène Krautrock – Neu! , Can, Tangerine Dream et consorts. Je devais avoir 12 ans et il m’a fait écouter ce titre, « Autobahn ». Au début, je n’ai rien compris, mais j’ai aimé les bruitages et les sons. C'en était fini des guitares. Vive les synthés et autres vocoders! Quand tu est gamin, tu as une imagination débordante, et ce morceau j’y ai pensé jour et nuit. Il était parfait pour construire un monde magique, me raconter des histoires et me faire découvrir le « minimoog », un instrument que je possède maintenant et sans doute le plus beau synthétiseur jamais invénté.

The Doors

The End

Les Doors, c'est un autre groupe que mon père m’a fait découvrir, un groupe que j’ai beaucoup écouté entre 12 à 16 ans. Ce morceau a tout ce que j’aime: des claviers proche de la musique vaudou, des drums tout en progression, des riffs qui coupent et un chant vivant. C'est beau et fou en même temps. Il y a aussi beaucoup de dynamique dans le son, ce qui n’existe presque plus de nos jours. Ces mecs vivaient vraiment leur aventure. Cela paraît simple de le dire et pourtant c'est tellement essentiel. Ce devait être une époque intéressante où beaucoup de choses étaient à faire ! Et ils les ont faites. Bien faites.

Gang Starr

Mass Appeal

Voilà un morceau qui a changé beaucoup de choses pour moi. Nous sommes en 1994 et j’ai 15 ans. C’est d’abord les scratch de DJ Premier qui m’ont retourné, j’ai tout de suite adoré ça. C'est ce morceau qui m'a fait acheter une platine Technics et m'a intié au scratch. Mais ce morceau a quelque chose de plus, il a cette émotion qui à l’époque était rare dans le rap, ce sample associé à ce flow, c'est juste divin.

The Beastie Boys

Sure Shot

Toujours la même année. Premier morceau d’un album mythique pour moi. Je le connais par cœur! J’avais acheté ce CD à la Fnac, car j’avais trouvé la pochette super. Je connaissais le groupe de nom mais sans avoir trop écouté. Je me rappelle très bien le soir quand je suis rentré, c’était l’heure de diner. Ma mère criât « à table » alors que moi j’étais dans ma chambre : j'ai inséré le cd, j’ai appuyé sur Play et je me suis pris une grosse claque. Après je sais juste que ma mère est venue me chercher dans ma chambre, car je n'arrivais plus à en sortir. Et j’ai passé tout le repas avec un sourire idiot. Ma première histoire d’amour?

DJ Shadow

Organ Donor

Morceau coup de poing sorti en 1996. Il a marqué mes années lycée, et toute une génération j’ai bien l’impression. A l’époque dans la cour il y avait plusieurs clans selon ce que tu écoutais comme musique. DJ Shadow est arrivé et il a mis tout le monde d’accord. Ce morceau marque le moment où je me suis mis à faire de la musique, à produire pour des rappeurs et sous mon nom Sayem une musique à base de samples, comme le faisaient tout mes héros de l'époque. Après le Minimoog et les Technics, la reine de cette époque était la MPC d’Akai. Grand morceau donc, même si aujourd’hui je lui préfère l’original, le fameux « Tears » de Giorgio Moroder.

DJ Q-Bert

Cosmic Assassins

En 1998 sort le premier album de Qbert, qui grâce à ses scratches pense communiquer avec les extra-terrestres. Il a révolutionné l’art du djing pour l’amener au turntablism. Ce mec est fou, plein d’humour et de talent ! Cette même année à eu lieu l’un des plus créatifs championnat du monde de djing, les DMC où l'on découvre un jeune DJ qui deviendra grand.

Portishead

Only You (Roseland NYC Live)

Je ne suis pas un inconditionnel de Portishead , mais ce live en particulier est d’une beauté rare, mêlant beaucoup de choses que j’aime: des scratches, des vieux synthé, des cordes, une voix remarquable , et surtout cette alchimie qu'eux seuls ont su créer.

M83

Moon Child

On fait un bond en avant dans le temps. On est en 2005, je débarque à Paris, morceau un peu découvert par hasard et qui m’a fait m’asseoir … J’ai pris une claque, car sous des airs de simplicité, M83 a écrit un des plus beaux morceaux des années 2000, plein de subtilité et d’élégance !

DJ Mehdi

Pocket Piano

Mehdi, c'est le premier producteur à mettre un pied sur tout les temps dans le rap, un type qui à su laisser une vraie empreinte, autant dans le hip hop que l’électro! Il m’a donné un sacré coup de main quand je suis arrivé à Paris et je ne pouvais pas parler des artistes qui m’ont marqué sans le citer. Il avait une intelligence incroyable sur le mariage des sons, associé à ses fameuses rythmiques. C'était imparable et je ne peux que conseiller à tout le monde d’écouter et de réécouter tous sa discographie!

Dead Man Bones / Salem

My Body's A Zombie For You / King Night

Deux morceaux ex aequo pour finir: le premier morceau, "My Body’s a Zombie for You", est admirable et se retrouve sur un album aussi fantastique que passé inaperçu. C'est en fait le projet de Ryan Gosling, l’acteur de Drive. Le second, "King night", est un morceau d’une poésie dingue, un morceau que j’aurais adoré écrire. Pourquoi finir avec ces deux morceaux ? Tout simplement parce que cela me donne de l’espoir à une époque où tout n’a plus de goût. Cela nous rappelle aussi que la musique s’écoute aussi en dehors des radio ou des clubs, que la musique à encore une place dans notre intimité. Ce que j’aime dans la musique, c’est justement quand un morceau prend le contrôle de tes émotions et t’amène ailleurs le temps d'une track. J’aime cette prise de risque, cet ambition de rentrer dans la tête de quelqu’un alors qu’il a juste appuyé sur play. Si je fais de la musique aujourd’hui, c'est uniquement pour provoquer ça. Je ne sais pas si j’y arrive mais je continuerai, car elle est ce que je suis.

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