Interview

Revolver

par Splinter, le 7 février 2009

Les belles rencontres tiennent parfois à peu de choses, au hasard, à la chance. Un peu comme le jeu de la roulette russe. C'est ainsi de manière totalement fortuite que nous avons découvert les Parisiens de Revolver, lors d'un concert à La Maroquinerie le 13 décembre 2008, en première partie de Sammy Decoster. Fluidité des compositions, beauté des arrangements, maturité de la voix, assez proche de celle d'Alex Kapranos des Franz Ferdinand : ce premier contact fut comme un choc, étant davantage habitués à la médiocrité des groupes français.

Leur premier EP, sorti dans le courant de 2008, confirmait ces bonnes impressions : Ambroise, Christophe et Jérémie, élevés à la musique classique et au folk des années 1960, possèdent un véritable talent, ce que l'on a pris plaisir à revérifier chez leur maison de disques, EMI, au cours d'un mini concert donné dans le cadre du "EMI Music Day". Cette fois-ci accompagnés d'un batteur, nos trois jeunes pistoleros, âgés de 21 à 23 ans, nous ont donné un avant-goût de leur premier album, désormais en boîte, dont la sortie est prévue pour avril prochain.

Cette rencontre fut également l'occasion d'en savoir un peu plus sur leurs origines, leurs influences et leurs aspirations en tant que créateurs d'un concept, voire d'un mouvement, plutôt original intitulé "pop de chambre" : de la musique pop, douce, qui s'exprime mieux dans les alcôves que dans les stades.

GMD : Vous vous connaissez depuis combien de temps ?

Ambroise : Christophe et moi, on se connaît depuis nos 6 ans. On est tous les deux de Paris. On s'est perdus de vue, puis on a recommencé à nous fréquenter à 15 ans, au lycée. On jouait de la guitare ensemble. On a rencontré Jérémie en Maîtrise, à Notre-Dame de Paris, une école de musique. On a tous les deux étudié la musique classique.

GMD : Quand avez-vous monté le groupe ?

Ambroise : on a donné notre premier concert ensemble en décembre 2006, dans l'appartement d'un ami, en acoustique dans le salon. C'est d'ailleurs de là que vient l'expression "pop de chambre". Un pote qui nous écoutait a trouvé qu'on jouait de la musique de chambre pop. J'ai rebondi sur cette remarque !

GMD : Ce qui est étonnant, c'est le décalage entre votre jeunesse et la musique plutôt rétro. Quelles sont vos influences ? Rock américain, années 60 ?

Ambroise : Nos influences sont effectivement plutôt anglo-saxonnes : le folk américain des années 60, en particulier Simon & Garfunkel, qui avaient aussi ce côté classique. Sur leur premier album, ils utilisent des éléments de la musique de la Renaissance ; puis les Beatles, inévitablement, et Eliott Smith, plus récemment.

GMD : Vous donnez l'impression d'être en décalage par rapport au reste de la jeune scène française, illustrée par un groupe comme les BB Brunes, qui sont plus dans l'énergie, moins dans la mélodie. Comment vous situez-vous par rapport à eux ? Vous les connaissez ?

Christophe : Capillairement, on est assez proches d'eux ! Mais musicalement, on ne les connaît pas bien. Les mélodies, les harmonies, c'est clairement ce qui nous a donné envie de faire de la musique, effectivement comme chez Simon & Garfunkel, les Beatles, ou bien chez les Beach Boys… On n'a jamais eu de garage pour répéter ou nous exprimer de manière violente. On jouait tous dans nos chambres. Il ne fallait pas faire de bruit, ne pas gêner les voisins. C'est une contrainte qui a influencé notre musique. Mais maintenant que l'on dispose de grands endroits pour jouer, on évoluera peut-être.

GMD : Vous allez évoluer vers un son plus dur, avec plus de guitares ?

Ambroise : Vous noterez une différence entre notre EP et notre album. Sur l'EP, le son est très acoustique, avec quelques percussions de temps en temps, mais il est très doux. En revanche, on avait un batteur pour l'enregistrement de l'album, de sorte que le son s'est un peu durci. Ce sont les chansons qui l'exigeaient. Certains morceaux, comme "Get Around Town", demandaient un soutien rythmique. C'est une évolution un peu logique.

GMD : Votre musique possède une imagerie qui renvoie beaucoup à la conquête de l'ouest américain, aux saloons, aux grands espaces.

Ambroise : Ce sont des images qu'on aime bien. On est très influencés par un groupe qui s'appelle Giant Sand et notamment son leader, Howe Gelb, qui vient de l'Arizona. C'est vraiment la musique du désert. Ca nous a vraiment influencés. Mais on ne s'en rendait pas compte dans la composition des morceaux, cela s'est fait de manière naturelle.

GMD : Comment avez-vous choisi notre nom ?

Ambroise : C'est une référence à l'album des Beatles. J'avais un poster des Revolver Sessions. Au moment de choisir un nom de groupe, on n'a pas cherché très loin, on s'est retournés vers le poster et on s'est dit "c'est pas mal, ça va le faire !"

GMD : EMI vous a découverts grâce à MySpace.

Ambroise : Pas tout à fait. EMI nous a contactés sur MySpace, mais je ne pense pas qu'ils nous aient découverts grâce à ce site. Notre MySpace, en tout cas à l'époque, était presque abandonné, très peu visité. On avait mis quelques chansons en écoute. Puis un jour, on a reçu un message d'un D.A. [directeur artistique, ndr] de Delabel, qui nous expliquait que ce qu'on faisait l'intéressait. Il nous a alors proposé de le rencontrer. A l'époque, notre page MySpace n'avait que trois visites par jour ! C'était ridicule, on pensait que c'était une blague !

Christophe : Ca ressemblait même à une blague de très mauvais goût (rires) ! Mais, en fait, ce n'était pas du tout une plaisanterie. On a rencontré ce D.A. dans la semaine qui a suivi son message, puis on a signé un contrat le mois suivant.

Ambroise : A l'époque, on avait pensé sortir un disque, on l'envisageait même assez sérieusement. Mais on n'avait jamais démarché qui que ce soit, ni fait d'efforts dans ce sens-là. On composait juste nos chansons dans notre coin.

GMD : Vous faites autre chose à côté ?

Ambroise : Plus maintenant ! On a abandonné nos études. Mais on a notre Bac ! J'ai fait un peu d'architecture et Christophe un peu de cinéma, tandis que Jérémie a toujours été dans le monde de la musique classique. J'avais déjà arrêté depuis deux ans, je ne faisais que de la musique classique. 

GMD : Que vous apporte le fait d'être signés sur une major comme EMI ? Vous avez des moyens illimités pour enregistrer votre album ?

Ambroise : Non, mais ça a tout accéléré. A partir du moment où on a été signés, on a eu le projet d'enregistrer un album, on nous a donné les moyens pour le faire, en nous faisant rencontrer des gens. C'est grâce à notre maison de disques que cette interview a lieu, car ils ont des contacts avec la presse. Mais, à l'origine, ce qui nous a poussés à signer, c'est la rencontre avec ce D.A., avec qui on a pu discuter facilement. On était vraiment sur la même longueur d'ondes. C'était très rassurant, on avait un objectif commun clair.

GMD : Vous avez pu faire ce que vous vouliez ?

Ambroise : Oui. On a beaucoup discuté avec le D.A., on a élaboré le projet ensemble. Une fois lancés, on avait les mêmes opinions. Notre maison de disques nous laisse très libres, c'est un grand luxe. Elle ne nous impose rien. Apparemment, EMI a eu un vrai coup de cœur pour nous, et du coup ils n'ont pas du tout envie de nous changer, de nous formater, ce qui est très agréable car dès qu'on propose une idée, elle est acceptée. Les nouvelles chansons sont bien accueillies, tout est parfait.

GMD : On connaît l'implication d'EMI dans la lutte contre le téléchargement illicite ? Que pensez-vous de ce phénomène ? Cela peut-il être un moyen de vous faire connaître ?

Ambroise : On n'est pas très impliqués dans Internet. Ca n'a jamais été notre truc. On n'a pas une grosse culture dans ce domaine. Si Revolver est sur Facebook, c'est parce que des gens de chez EMI s'en occupent pour nous ! Mais on essaie de s'y mettre… On invite des amis sur MySpace. Mais on ne télécharge pas.

Christophe : En revanche, on va sur Deezer, c'est très pratique. D'ailleurs, on aimerait bien y être nous aussi, c'est devenu un moyen promotionnel presque nécessaire.

Ambroise : Concernant le téléchargement, on ne peut plus vraiment se battre contre. De toute façon, on sait que l'album va être téléchargé, d'une manière ou d'une autre, puisque les gens n'achètent plus de disques, c'est un support qui est condamné. En revanche, on espère que les gens viendront toujours aux concerts.

GMD : Vous raisonnez toujours en termes d'albums ? Alors qu'aujourd'hui on parle surtout de singles, de maxis, d'EP. Vous aviez envie de sortir un album complet, d'une dizaine de chansons ?

Ambroise : Oui, c'était un peu notre rêve. Pour le moment, on vient d'arriver, on procède par étapes. On fait notre album, puis peut-être qu'on aura ensuite une meilleure conscience du marché du disque. Peut-être que, dans un an, on n'aura vendu que dix exemplaires de notre disque et on se dira que ça ne sert plus à rien d'en sortir (rires) ! Le marché est dans une période de transition. Certains groupes choisissent de ne faire plus que des singles ou des EP. Nous, on pense que l'album est un beau format, qui permet de créer un univers, de développer ce qu'on a à dire. En plus, on avait beaucoup de chansons, on voulait les enregistrer, les faire écouter. On n'allait pas sortir un EP tous les deux mois pour chaque nouvelle chanson ! En revanche, sortir un album par an, ce serait pas mal.

GMD : En termes de concerts, vous êtes en tournée en ce moment ?

Ambroise : Non, on a fini une petite tournée, au cours de laquelle on a fait beaucoup de premières parties, entre l'automne et la fin de l'année 2008, en soutien de The Dø, Yael Naim, I'm From Barcelona, plein d'artistes qui jouent dans de grosses salles, c'était une expérience incroyable. On a joué dans toute la France, à Paris, Saint Lô, Rennes, Reims, Rouen, Strasbourg, Toulouse… Et on a fait Le Bataclan à Paris, en première partie d'I'm From Barcelona.

GMD : Est-ce que les grosses salles vous impressionnent ou est-ce que vous vous sentez l'aise ?

Christophe : Quand on arrive dans une grande salle, c'est très impressionnant, mais c'est aussi vraiment très motivant.

Ambroise : Par exemple, Le Bataclan, c'est gros, mais sur scène, on ne voit pas tellement la taille de la salle. Plus le retour du public est fort, plus y a de monde, plus c'est stimulant et plus on a envie de se donner. Donc pour s'exprimer, une scène un peu grande, c'est plus pratique.

GMD : Vous étiez en première partie de Sammy Decoster. Que pensez-vous de lui ?

Ambroise : On l'aime beaucoup. C'est presque un ami, quelqu'un qu'on a beaucoup croisé. On a joué à plusieurs reprises ensemble, on a fait trois concerts et on partage une passion pour Elvis. C'est facile de se réunir autour de ça et de chanter ensemble. On aime beaucoup ce qu'il fait, lui tout seul, c'est l'un des rares chanteurs français qu'on aime bien, avec d'autres groupes français qui chantent en anglais, comme Moriarty.

GMD : Pour l'instant vous terminez l'enregistrement de votre album ?

Ambroise : Oui, il sort en avril, il y a encore des détails techniques à régler. On n'a pas de tournée de prévue mais on fait une résidence à la Flèche d'Or dans deux semaines sur trois semaines de suite [les 11, 18 et 27 février prochains, ndr] avec des artistes qu'on a invités. Il y aura peut-être Sammy Decoster, One Two, un groupe parisien qu'on aime énormément, les Bewitched Hands, un groupe de Reims très bien aussi, Ra Ra Riot, et David Aron, un ami à nous qui fait de la chanson française.

GMD : A propos de français, vous envisagez l'idée de ne pas chanter qu'en anglais ?

Ambroise : Pour l'instant, nos paroles sont en anglais. On verra ensuite. On n'a pas de doctrine. Mais plus on avance en anglais, plus on est à l'aise et on prend nos marques.

GMD : Qui écrit ?

Ambroise : Les paroles, c'est Christophe et moi, la musique, c'est tous les trois.

GMD : Pourquoi les petits chats ?

Ambroise : On n'avait pas trop d'idée pour l'illustration de l'EP. On avait essayé deux ou trois choses sans trop de conviction. Puis une fille est arrivée en tenant une vieille carte postale des années 50 avec des petits chats. C'était tellement inattendu, on n'aurait jamais pensé à ça. Ca nous a accrochés, c'était vraiment surprenant. Il y a évidemment un décalage entre le nom "Revolver" et les trois chatons, c'est ce qui nous a plu.

GMD : A la Maroquinerie vous aviez l'air très sages, très premiers de la classe.

Ambroise : On prend ça pour un compliment, c'est ce qu'on a cherché toute notre vie ! Mais on va se lâcher un peu, notamment grâce à la batterie.

Christophe : Ou alors on va rester statiques (rires) !

Merci à Clémentine B.