Interview

Malajube

par Nicolas, le 18 août 2009

Interviewer Malajube n’est pas une sinécure. L’an passé, lors d’une interview réalisée pour le mensuel belge Rif Raf, on avait réussi à interviewer le chanteur Julien Mineau sur le fil, en sortie de scène. Cette fois-ci, ce dernier ne put se libérer pour nous donner quelques clés de lectures de Labyrinthes, le troisième effort des Montréalais. Qu’à cela ne tienne, Mathieu et Francis se sont donc pliés à l’exercice sans pour autant lever le voile de mystère qui plane sur les textes de Julien. Mais avec leur accent québécois à couper au couteau, on en avait déjà assez que pour se sentir dépaysé.

Goûte Mes Disques : On vous avait croisé par la sortie de Trompe-l’œil en Europe en 2007. Que s’est-il passé depuis lors ?

Mathieu Cournoyer : On n’a fait que tourner car Trompe-l’œil a bénéficié de sorties décalées. Au final, on s’est retrouvé sur les routes jusqu’en décembre 2008.

Francis Mineau : C’est passé tellement vite même si on n’a pas fait beaucoup de dates en 2008. On voulait juste composer sans sortir du local mais il y avait des plans qu’on ne pouvait pas refuser, comme les Francofolies de Montréal.

GMD : Labyrinthes est moins pop, davantage tourné vers le prog-rock. Était-ce une volonté de départ ou est-ce venu de manière inconsciente ?

MC : On a déjà joué des choses plus violentes. Mais pour cet album, on ne s’est jamais dit qu’on allait faire quelque chose de différent, plus prog. On a simplement jammé tous ensemble et le résultat est ce qui se trouve sur le disque.

FM : Pendant la promo de Trompe-l’œil, on a dit plein de chose à propos de l’album suivant. Que ça allait être du métal, des choses plus douces,… Il y a un peu de tout sur le disque mais globalement, c’est vrai, il est moins pop.

MC : En même temps, un titre comme Porté disparu l’est encore. Quand on écoutait cette chanson en studio, on n’arrêtait pas de courir sur place. C’est une bonne chanson pop, je pense.

GMD : En effet. Mais Ursuline, par exemple, l’est nettement moins. Pourquoi l’avoir placée en ouverture ?

FM : C’est volontaire. Car c’est la chanson la plus longue. Elle devait soit ouvrir l’album soit le terminer. 7 minutes sur lesquelles on jamme à la fin. Cela nous plaisait de commencer par ce genre de chanson car on voulait que l’auditeur soit surpris, qu’elle sonne comme quelque chose d’inattendu.

GMD : En fait, j’aurais eu tendance à croire que vous aviez cherché à être plus proche de votre son en concert, où vous avez tendance à jouer fort.

FM : C’est sûr qu’à chaque fois qu’on joue, cela prend une tournure plus rock que sur album. Le disque et la scène, ce sont clairement deux choses différentes. Mais je ne pense pas qu’on ait cherché à rapprocher le son du disque à celui de la scène.

GMD : Et au niveau de l’écriture, comment est-ce que cela s’est passé pour Labyrinthes ? Et est-ce qu’à l’instar de Trompe-l’œil on peut trouver une ligne directrice sur cet album ?

MC : Toujours de la même façon. Pour la musique, on travaille tous ensemble alors que les paroles sont exclusivement écrites par Julien. Et il n’y a pas de ligne directrice pour celui-ci. Même si cela reste sombre. C’est influencé par le fait que Julien se soit isolé de la ville. Il habite une petite maison à la campagne, en face de l’église de Sainte-Ursule. Il y a surement quelque chose qui vient de là.

FM : Ce n’est pas que nous sommes croyants mais la religion catholique prend une grosse place au Québec. Cela remonte aux années 50-60 et cela reste aujourd’hui. Il y a pas mal d’images qui perdurent même si on n’est pas croyant. Je pense que, comme disait Matthieu, le fait que Julien habite devant l’église d’un petit village a eu une influence sur son écriture.

GMD : Et au niveau de l’enregistrement, comment est-ce que vous vous y êtes pris ?

MC : Au départ, on est allé enregistrer des choses chez Julien dans sa maison après avoir répété l’album dans notre local pendant six ou sept mois. Puis, on s’est payé le luxe d’aller au Studio Victor à Montréal même si on voulait le faire nous-mêmes dans une maison, dans notre studio. Ce n’était pas assez réaliste.

FM : Comme pour Trompe-l’œil, on est allé dans un autre studio. On a travaillé avec Pierre Girard (Thomas Fersen, Galaxie 500, Karkwa,…) mais il n’avait rien d’un dictateur. Si on n’aimait pas quelque chose, on essayait autrement.  Pour Porté Disparu, on a beaucoup bossé mais le résultat ne ressemble pas tout à fait à ce que cela donnait dans notre local. Il y avait une partie d’imprévu. Pierre nous a aidés à trouver une direction générale à l’album. Pour ma part, j’avais déjà travaillé au studio Victor. C’est une très belle place. Dès qu’on y est entré, on a su que ça marcherait. Il y avait l’équipement nécessaire, une bonne ambiance. On y est resté deux semaines. Cela nous a couté cher mais heureusement, au Québec, on reçoit des subventions.

MC : On est chanceux à ce niveau-là. Je pense qu’en Europe, les subventions sont moins élevées. Ces subventions nous permettent de produire l’album à notre compte, puis de démarcher. On ne doit donc  pas demander d’argent à la maison de disques.

GMD : Au niveau de la réception, comment est-ce que cela se passe en France et en Belgique ? Car de notre côté, on reste toujours aussi enthousiaste devant le fait que vous mettiez les paroles au second plan…

FM : On tourne en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas,… mais on n’a pas l’impression de décoller en France. C’est un peu la même chose en Belgique. On se rappelle d’un concert à Bruxelles (ndr : au Brussels Summer Festival, sur la place Saint Géry) où Julien s’était électrocuté avec son micro. Cela avait clôturé le spectacle. (rires)

GMD : Et au Canada alors ?

MC : Cela dépend. A Montréal, on remplit des jauges de 1500-2000 places. En province, je dirais 400-500 places. Pour te donner une idée, Trompe-l’œil s’est vendu à 50.000 exemplaires, dont 39.000 rien qu’au Canada. Ce qui est plus que ce qu’on pensait mais moins que… disons… U2. Depuis deux ans, le marché du disque s’écroule de toute façon. Sauf pour les bons vendeurs comme… Céline Dion.

FM : Alors quand bien même les gens téléchargent l’album, il y a une chance qu’ils viennent nous voir en concert.