Interview

Deen Burbigo

par Bahi, le 23 août 2011

Ce n'est un secret pour personne, l'année 2011 est un belle année pour la rap français. Si le crew 1995 n'a laissé personne insensible, il en est de même pour le tentaculaire collectif L'Entourage, maison mère d'un bon nombre de rappeurs franciliens comme Eff Gee, Guizmo, Jazzy Bazz ou Deen Burbigo. La plupart d'entre eux ont fait leurs preuves en écumant les scènes de la France entière, ainsi qu'en apparaissant dans des freestyles vidéos très remarqués. Le personnage que l'on a rencontré s'est montré très habile à ce petit jeu là, il s'agit du susnommé Deen Burbigo. C'est probablement celui qui s'est le plus démarqué, et par la même occasion celui qui s'est révèlé être le plus efficace. Punchlineur sûr jouissant d'un flow imparable, Bigo fait partie de ces rappeurs que l'on peut qualifier de passionné, véritable acteur du hip hop hexagonal. Voici donc l'interview d'un jeune loup aux crocs bien aiguisés, qui risque bien de faire encore parler de lui et de sa meute dans les mois à venir.

Goûte Mes Disques : Avant toute chose, raconte-moi un peu qui est Deen Burbigo, de tes débuts dans le rap jusqu'à aujourd'hui.

Deen Burbigo : Je suis originaire de Marseille où j’ai le plus gros de ma famille, mais j’ai passé le plus clair de mon temps à Toulon dans le Var. J’ai commencé le rap à 16 ans, un délire de lycée qui ne m’a plus quitté. Désormais je vis à Aubervilliers en banlieue parisienne. Je viens de finir une licence d’histoire à la Sorbonne, je travaille comme animateur dans un centre de loisirs du côté de Stalingrad et je consacre tout le reste de mon temps à faire, propager et écouter du peura… Bref je mène 3 vies en une !

Goûte Mes Disques : Quitter le sud de la France était pour toi une évidence afin de progresser dans le rap?

Deen Burbigo : C’est triste à dire mais effectivement, il est vraiment difficile de se faire connaître lorsque l’on est en province. A Paris, il y a plus de monde, donc plus de public et plus d’évènements donc plus d’opportunités de toucher ce public. Tous les médias y sont basés et puis la capitale est un lieu où les gens d’ailleurs sont plus facilement susceptibles de venir voir des concerts. Bref, tout y est plus dynamique !

Goûte Mes Disques : Justement, quel regard portes-tu sur la scène hip hop en province actuellement?

Deen Burbigo : Très honnêtement, je ne peux pas réellement séparer la scène parisienne et celle de province mais je ressens très nettement un regain d’intérêt pour les valeurs de bases, le travail de la rime et de l’assonance, du flow, des beats à base de sample, bref tout ce qui pour moi constitue la couleur de la musique hip hop !

Goûte Mes Disques : Quelle expérience retires-tu de ta tape Din, Rimes et Interim?

Deen Burbigo : Durant le travail sur ce premier effort, j’ai beaucoup appris. Le travail d’interprétation et d’arrangement en studio, etc… Par contre je dois t’avouer qu’il m’est très difficile de la réécouter aujourd’hui ! Je ne suis vraiment pas satisfait du mix et en termes d’écriture et de technique, je considère avoir beaucoup progressé depuis. Je suis un perfectionniste maladif. D’ailleurs, si tu me le demandes dans 6 mois, je te dirai certainement que les titres que j’ai enregistré ces temps-ci étaient nases !

Goûte Mes Disques : En parlant de tape, quels sont tes projets et ceux de l'équipe pour les mois à venir?

Deen Burbigo : Étant donné le nombre que nous sommes et le fait que nous soyons tous très actifs, les sorties vont se multiplier très vite si tout va bien. Il y a déjà eu l'EP de 1995, La Source. Suivront la Mixtape S-Crew, un album L’Entourage et des projets solos de chacun des membres dont les premiers seront vraisemblablement ceux de Nekfeu et Guizmo.

Goûte Mes Disques : Avec l'Entourage, tu écumes les plateformes vidéos à coup de clips et de freestyles, c'est ce qui a d'ailleurs permis de vous faire connaître. Penses-tu qu'aujourd'hui la reconnaissance dans la musique passe forcément par l'image, et donc la vidéo?

Deen Burbigo : Absolument ! Désormais le gens n’écoutent presque plus de musique lorsqu’ils sont chez eux, ils regardent des clips sur Youtube, le plus souvent via Facebook. Une bonne maîtrise de ces outils est devenue indispensable pour diffuser sa musique. Et d’un certain côté, moi-même j’apprécie le lien que cela créé avec l’artiste et son univers.

Goûte Mes Disques : Indéniablement, on assiste à un « renouveau » du hip hop en France avec des gars comme Triptik, Set&Match, Rimcash et Didai, 1995, Artik etc. Comment expliques-tu cela?

Deen Burbigo : Je n’aurai pas la prétention de pouvoir l’expliquer vraiment, mais je suis assez d’accord pour dire que la scène rap en France est en train de changer de visage à vitesse grand V ! Entre l’arrivée de p’tits nouveaux tous plus chauds les uns que les autres et le retour de certains anciens, ça laisse présager des jours heureux !

Goûte Mes Disques : Quelles sont les choses qui t'exaspèrent dans le rap français, les choses qui nuisent à son développement d'après toi?

Deen Burbigo : En ce qui me concerne, je suis un passionné de musique et de hip hop avant tout. S’il y a bien quelque chose que je ne supporte pas, c’est bien la mentalité de ceux qui mettent le côté « street » avant tout et méprisent plus ou moins ouvertement tout l’aspect musical et le flow. Je ne pourrai jamais être d’accord avec ça. Je préfère écouter un campagnard qui me parle de sa campagne tranquille avec plume, flow et style plutôt qu’un banlieusard qui me parle toujours des mêmes choses sans aucun travail de forme. Maintenant, j’ai clairement une préférence pour les artistes qui allient un univers street tout en respectant la culture qui les amenés derrière un micro. Par exemple un Nubi, pour ne citer que lui, j’adhère à 400% !

Goûte Mes Disques : En ce moment, l'Entourage fait de plus en plus de scènes, que t'apporte cette dimension dans ta musique?

Deen Burbigo : Cela donne d’une part un contact direct avec le public. Il n’y a rien de mieux que le live pour palper vraiment les réactions du public sur chaque son que l’on balance. Et ensuite, en tant que emcee de terrain, la scène c’est la base ! J’ai commencé le rap à 16 ans et depuis ce jour-là, mon plus gros leitmotiv a toujours été d’être celui qui va faire la diff'. Que ce soit un open mic, un battle, un contest d’impro, peu importe, tu te dois d’être au max ! Après, il existe de très bons emcees de studios qui ne sont pas du tout des hommes de terrain. Je respecte ça, mais ça n’est pas ma vision de la chose !

Goûte Mes Disques : Tu as également été un des premiers à participer aux Rap Contenders, pourquoi et comment as tu vécu cette expérience?

Deen Burbigo : En terme de sensations c’était vraiment une bonne expérience. L’univers des battles est très addictif en tant que participant. Preuve en est, j’ai rempilé pour deux autres ! Puis, en termes de buzz, on ne va pas se mentir, Rap Contenders a été le tremplin qui nous a fait grimper en flèche. On a eu la chance d’avoir la bonne équipe sur le bon évènement et au bon moment.

Goûte Mes Disques : Qui sont ceux qui t'inspirent actuellement? En France ou ailleurs...

Deen Burbigo : En terme de musique il y en beaucoup trop pour les citer tous ! En ce moment je me prends vraiment la vibe des Jets (Curren$y, Young Roddy, etc…). Ca a été ma dernière gifle. A part ça je suis et me revendique de l’école new-yorkaise depuis ses débuts jusqu’à aujourd’hui. Sans oublier les gars de mon équipe ! Je ne sais pas si on peut vraiment parler d’influence mais une chose est sûre, quand un gars de la team monte la barre, c’est soit tu suis en essayant de le surpasser, soit tu reste à la traîne et les écarts se creusent. Et je peux te dire qu’il y a compétition au sein du crew ! La concurrence est saine et constructive ce qui pousse tout le monde vers le haut.

Goûte Mes Disques: Je te laisse conclure l'interview...

Deen Burbigo: Je vais emprunter ma réplique à Lino... "C'est que le début !"

Crédits photo: Zouz La