Dossier

Off the Radar #12

par la rédaction, le 20 avril 2017

Taylor Deupree

Somi

Côme

A intervalles réguliers il nous faut causer d’un nouveau disque de Taylor Deupree, ce qui n’est généralement pas chose facile. Car plus encore que le reste des artistes de son label 12k, l’Américain excelle dans le drone chaud et simple et les belles variations tonales, créant des disques qui ne peuvent s’aborder dans l’actualité directe mais qui prennent au contraire le temps pour s’imposer comme des objets essentiels. Somi est d’ailleurs la suite logique d’un tel disque, lui qui a été pensé comme s'inscrivant dans le droit fil de Stil. sorti en 2002. Comme sur ce précédent ouvrage, il est question de lentes répétitions de motifs minimalistes, avec cependant un twist de taille : la création de boucles est ici réalisée « à la main » et non pas avec un séquenceur; cet aspect couplé aux instruments utilisés donnant un aspect très organique au disque là où Stil. sonnait parfois comme les Xerrox d’Alva Noto. En résultent sept pistes d’une simplicité trompeuse, faites de mélodies simples et touchantes parvenant à magnifier une palette sonore pourtant très réduite et à créer une narration remarquable dans sa façon d’avancer de façon parfois imperceptible.

Various Artists

Mono No Aware

Simon

C’est une première, et c’est à se demander comment on a pu tenir si longtemps. Première compilation strictement ambient pour un label habitué à balancer du sound design club-friendly et des joyeuses bizarreries electronics. PAN fait donc l’étalage de sa science des nappes et des ambiances feutrées en invitant des cadres renommés (M.E.S.H, ADR, Bill Kouligas, SKY H1, Helm) et un maximum de nouveaux venus. On ne va pas se cacher que ce Mono No Aware est probablement l’un des recueils d’ambient music les plus aboutis de ces dernières années, véritablement. Un travail remarquable dont le succès total passe à la fois par la variété des pattes musicales en présence et par l’étonnante cohésion du tout. Impossible de s’attendre à ce qui s’écrit dans ces seize titres (pour une bonne heure et demi) tant le son y est texturé, envoyé aux quatre coins de la pièce, recomposé dans un produit unique : jamais totalement ambient, jamais vraiment electronica, mais toujours intriguant par la liberté totale des directions envisagées et par la puissance des thèmes évoqués. Mono No Aware revisite la mélancolie de l’impermanence mieux que personne. Un maître-achat qui aura à n’en point douter sa place dans tous les classements de fin d’année qui se respectent un peu.

Kakumei Shojo

革 命 少 女 博 覧 会

Bastien

Depuis peu, on a repris l’habitude d’aller se perdre nez au vent sur Bandcamp. A la faveur de ce digging 2.0, l’ambient de Kakumei Shojo nous a instantanément alpagué. On ne s’appesantira pas sur la biographie du producteur japonais puisqu’il fait simplement partie de l’armée d’inconnus qui peuple Bandcamp. A travers 9 titres, le producteur de Kyoto déploie une musique lumineuse et pop qu’on imagine parfaitement en B.O. alternative de Lost in Translation. 革 命 少 女 博 覧 会  dépeint un univers tout en couleurs pastel qui fait remonter à la surface les plus gros clichés que l’Européen lambda a en tête lorsqu’il pense au Japon: les cerisiers en fleurs bercés par le vent, le Tokyo nocturne baigné par la lumière des néons, les jeunes héroïnes des mangas aux yeux démesurés. Tout un imaginaire qui continue à dégager un doux parfum d’ailleurs, et qui rend l’Empire du Soleil Levant toujours aussi attrayant et exotique. Pour les amateurs de musique électronique nippone, cela ne sera pas sans vous rappeler 28 de AOKI Takamasa et Tujiko Noriko entremêlant la précision de l'electronica aux mélodies cotonneuses de la J-pop. On vous invite donc à remballer vos sushis bas de gamme et a vous plonger pleinement dans cet album de Kakumei Shojo. Domo Arigato Gazaïmashita.

Naaahhh

Themes

Côme

Si on ne sait absolument rien de Naaahhh, on n’est pas vraiment surpris de le voir signer sur la structure berlinoise Blackest Ever Black pour ce premier EP tant Themes remplit la plupart des éléments du cahier des charges du label : un peu de club music avec une bonne dose de musique industrielle, le tout avec un penchant certain pour l’obscurité, voilà les éléments qui ont souvent semblé caractériser les sorties de la maison et que Naaahhh reprend à la perfection. Pour rester dans les références du label, on pourrait même aller jusqu’à dire que ce premier disque est un peu un croisement entre Raime et Dalhous, empruntant aux premiers leur assise rythmique et en y faisant entrer un peu de l’étrange lumière glauque qui a toujours caractérisé la musique des seconds. Si vous ajoutez à cela un goût immodéré pour les ambiances cryptiques et les instruments à cordes digne de The Haxan Cloak, vous l’aurez compris, on tient là un produit post-industriel / dark-ambient de tout premier choix. Emballez c’est pesé.

Faru

Through Darkness Comes Light

Bastien

Au sein de la galaxie ambient, le thème de « Mère Nature » a été aussi poncé que le thème de « l’usine» au sein de la Techno ou encore de la « mort et de la putréfaction » dans le Métal. Des bons gros totems qui, bien que fondateurs, ont perdu de leur puissance évocatrice et de leur pertinence à force d’être invoqués à tout bout de champ. On pourrait donc se dire qu’un label ambient uniquement influencé par « l’environnement naturel de la Colombie Britannique » doit être à peu près aussi original qu’un chômeur dans le Nord Pas de Calais. Sauf que c’est bien mal connaître le catalogue impeccable bâti par Silent Season au cours des ces 10 dernières années. Un label entièrement tourné vers une musique ambient qui sent la souche humide, célèbre les bruissements de la forêt et rend hommage à la beauté brute d’un lac gelé. Faru, dernière signature du label canadien, ne déroge pas à cette esthétique mystique en nous emmenant 45 minutes en vadrouille au milieu des montagnes brumeuses d’Indonésie. Comme son nom l’indique Through Darkness Comes Light est une lente pérégrination de l’ombre vers la lumière. Un chemin sinueux qui débute par les textures sombres et organiques du drone avant de céder sa place à des compositions ambient irradiantes de lumière. Un passage des ténèbres vers la lumière qui se fait touche par touche, afin d’habituer l’oeil à ce halo lumineux grandissant. Sans bousculer les us et coutumes de l’ambient, Faru nous livre un album dans les plus purs standards de la maison Silent Season. De quoi être déjà largement au dessus de la mêlée dans ce domaine.