Dossier

Goûte Mes Mix #76: Sourdure

par Jeff, le 7 novembre 2018

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Tracklist

  1. Tripoux - Rondeaux (en Dos Bas)
  2. Louise - La Délaissée
  3. Femme - Alors elle acceptèrent les poisons synthétiques
  4. Jaipur Folk Group - danse music
  5. Marie Prieur - Le Beau Danseur
  6. Statonells - Tchega
  7. Marie Louise Sigé - Prenetz lo bon temps filhòtas
  8. U Roy - Lovers Rock (instrumental)
  9. Daniel Philippe et André Thomas - Marche Fanch
  10. Kraus - Red Green and Blue - track1
  11. Jean Marie Massou - La Souillure
  12. Cheikha Remitti - La Camel
  13. Francisco Cavaliere - Energia Nuvola (extrait)
  14. Jean Michel Poujol & Bruno Roman Ruiz - Las majoflas/La Pica-sieta
  15. Brice et sa pute - Opération Bikini
  16. Pierre Boissière - Jol Pont de Mirabel
  17. Orgue Agnès - Le Desert est une Nonne
  18. Sourdure - La Bufeta Negra

Au carrefour des musiques occitanes et expérimentales, traditionnelles et futuristes, mélodiques et bruitistes, il y a Sourdure. A l'occasion de son passage ce vendredi 16/11 au schiev festival à Bruxelles, le Français nous a fait l'honneur de nous pondre un mix exclusif et de répondre à nos questions.

Comment en arrive-t-on à se plonger dans le répertoire traditionnel occitan? En d'autres termes, quel est la parcours du projet Sourdure?

L’entité Sourdure est née par-dessous ma pratique de la musique électronique, comme une rivière souterraine qui commence a faire transpirer la terre quand on y creuse. Les prémisses consistèrent en un travail autour de la voix enregistrée et plus précisément de la parole, en interface avec des architectures sonores électroniques. C’était la musique de la parole qui commençait de se frayer une place dans mon travail et ça faisait un peu dévier mes plans. La déviation s'est accentuée avec la découverte des musiques et danses traditionnelles d’Auvergne. Je me suis installé à côté de Royat dans le Puy-de-Dôme, pour être plus proche du milieu traditionnel local et apprendre en immersion.  J’ai débuté le violon en cherchant à produire une musique de bourdons, la mélodie est venue plus tard. L’occitan, que je découvrais être présent en Auvergne sous une forme dialectale autochtone, a vite piqué ma curiosité au vif et je me suis collé à l’apprendre. De l’occitan, j’en avais entendu minot chez Massillia Sound Système et les Fabulous Trobadors. De me mettre à apprendre cette langue a changé ma façon de voir le pays, tant géographiquement qu’au niveau de la langue.

Te fixes-tu un cadre, ou des limites, quand tu travailles sous ce nom?

Pour la réalisation de La Virée, mon premier disque, le matériau de départ, c’était les collectages de chansons auvergnates et la situation initiale c’était moi avec mes électroniques bien en main, ma voix et un violon à 60 euros. Ça me faisait une règle à suivre (donc à enfreindre) et un cadre expérimental. La trace était faite, je l’ai suivie. En substance, pour cadrer mon travail je pense au travers de quatre critères principaux: la mixité des sources acoustique / électronique, l’ancrage dans la tradition, l’équilibre entre formes contraintes et formes libres, et enfin l’imbrication de l’expérimentation dans des formes populaires. Selon le projet du moment, je met l’accent sur certain critères et en écarte d’autres. Je joue avec les règles du jeu car ça génère du contraste.

Penses-tu que l'avenir et la survie des musiques traditionnelles françaises, ils passent obligatoirement par le travail de gens comme toi ou le Collectif La Novià?

D'abord pour moi il ne s'agit pas de survie mais de vie. Nous faisons notre part mais ça nous dépasse forcément, ça concerne beaucoup de monde, sur des territoires et dans des réalités très variées. 

Si je considère seulement mon entourage musical proche, il y a La Nòvia, le label Pagans, l’association Les Brayauds, Superparquet… ça fait déjà un ensemble très varié artistiquement, esthétiquement, géographiquement. Et il n’y a pas que nous heureusement. Il y a les groupes folkloriques, les centres régionaux, les collecteurs, tout les gens qui pratiquent et transmettent la musique, la danse, le chant, les langues… chacun joue son rôle. Ça se ramifie en branches diverses, parfois reliées, parfois éloignées, et cette diversité c’est une force vitale.

Comment est perçue ta manière de te ré-approprier la culture occitane auprès des vieux gardiens du temple? As-tu eu des retours?

En général mon travail est plutôt bien perçu je crois. J’ai eu des retours concernés et curieux de personnes de la génération du revivalisme.  Par exemple récemment, j’ai rencontré Xavier Vidal lors d’une conférence à Toulouse. C’était vraiment fort de parler avec lui.  J’ai beaucoup à apprendre de personne comme lui, ou comme Pierre Boissière, qu’on peux entendre dans la sélection). Les collectages à partir desquels je travaille, ce sont eux et d’autre de leur génération qui les ont réalisés. Ils ont connu personnellement les informateurs, musiciens, chanteur, ou conteurs.

Peux-tu nous parler de la sélection que tu as concoctée?

Tout est tiré de disques et de cassettes que j’écoute souvent, avec en appendices trois morceaux dans lesquels je suis impliqué: celui de Brice et sa pute a été enregistré et mixé par mes soins, celui d’Orgue Agnès figure sur album à paraitre le 16 novembre et La Bufeta Negra est extrait de L’Espròva, mon dernier disque. La sélection est partagé entre musique traditionnelle de quelques coins de France et du monde, et des pièces électroniques à la teneur plutôt envoutante et psychédélique. Ça chante, ça mâche pas ses mots et dans des accents bien marqués. Il y a une histoire d’ensorcellement par la danse, contée par Marie Prieur dans un mélange de français et de poitevin-saintongeais et une chanson de médisance de Jean Marie Massou. Les morceaux se touchent et parfois se recouvrent. Le résultat ressemble assez ma musique je crois ; on y entend en tout cas la zone frontalière que j’affectionne, entre musique prospective et musique populaire.

sourdure.bandcamp.com