Dossier

Goûte Mes Mix #75: Étienne Jaumet

par Jeff, le 17 octobre 2018

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Tracklist

  1. Szun Waves - constellation
  2. Jon Hassel - Dreaming
  3. Laurence Pike - Life Hacks
  4. Midlife - Phase II
  5. Jean Cohen-Solal - Captain Tarthopom
  6. Sons of Kemet - My Queen Is Ada Eastman
  7. Keith Jarret - Mortgage On My Soul (Wah-Wah)
  8. Hypnotic Brass Ensemble - One Unit
  9. Alfred Panou Art Ensemble Of Chicago - Je Suis Un Sauvage
  10. Thomas De Pourquery et Supersonic - Mermaids
  11. John Abercrombie - Timeless

Étienne Jaumet est vraiment un type incroyable. Soyons clairs: quand le Français décidera d'arrêter ses délicieuses conneries, il pourra regarder sereinement dans le rétroviseur et se dire que l'air de rien, il aura enregistré tout un album avec Carl Craig (l'impeccable Night Music), fondé l'un des meilleurs groupes de dance music cosmique de l'Hexagone (Zombie Zombie), ou partagé la scène avec les Red Hot Chili Peppers le temps d'un concert au Stade de France (il a raconté cette expérience au micro de France Culture). Et luxe ultime, il pourra même dire qu'il a enregistré un disque de jazz. Enfin, à sa manière évidemment: "Pour moi, le jazz c’est surtout une game et un swing. Après on se moque de la forme ou des instruments utilisés. J’aime quand il y a des improvisations. On doit sentir la liberté du jeu." 

A la lumière de ce genre de déclaration, on ne s'étonne pas de se retrouver avec un 8 Regards Obliques qui, rien que dans son titre, affirme sa différence: "Le jazz et une musique assez ancienne qui peut être interprétée aujourd’hui de façon très académique. Il y a des écoles de jazz, des master class et même des concours d’orchestre. Certes tout cela a permis de démocratiser cette musique et la rendre accessible, mais cela a aussi contribuer à la figer. Les plus beaux thèmes du jazz sont aujourd'hui devenu des standards. Bref, je sais que je ne fais pas le poids face à l’héritage laissé par cette musique. J’ai donc pris le parti de la décontraction et du plaisir en reprenant mes thèmes fétiches sans réfléchir à la technique, juste pour le plaisir. L’orchestration est minimale: on retrouve les synthétiseurs qui m’accompagnent et qui font mon expression depuis quelques temps déjà."

Et c'est vrai qu'en se lançant dans l'écoute passionnante ce nouvel album pour Versatile Records, il vaut mieux laisser ses préjugés au vestiaire, que ceux-ci soient associés au jazz, à la musique électronique ou à la kosmische musik, au risque de se retrouver avec la drôle de sensation de ne pas comprendre la démarche du Français: "J'en conviens, le résultat n’est pas très académique. Mais ça m’a semblé naturel. J’espère que les fans de jazz ne seront pas trop rebutés par mes sons électro et mes rythmiques binaires; et de l'autre côté, j'espère ne pas effrayer les fans d’électro avec mes solos de saxophone."

Qu'Étienne Jaumet se rassure: il n'y a rien à craindre avec 8 Regards Obliques, qui malgré les précautions d'usage qu'on se doit de prendre pour vendre ce genre de disque, se révèle extrêmement accessible, et s'inscrit parfaitement dans le renouveau que connaît le jazz ces dernières années: "Je perçois ce regain d’intérêt surtout en Angleterre et en Amérique où plein de jeunes artistes talentueux émergent. Je trouve le public jazz un peu vieillissant en France. J’espère que les jeunes vont prendre le relai et pousser vers l'avant cette musique qui peut être encore réinventée mille fois. Pour ma part cela fait des années que l’envie de reprendre des standards du jazz me turlupinait. J'ai commencé par reprendre Sun Ra avec Zombie Zombie, puis ensuite j’ai repris "Spiritual" de John Coltrane en live. Comme ça fonctionnait, j’ai testé d’autres idées et ça a donné un album." 

Cette analyse faite par Étienne Jaumet, on ne peut que la valider. Car si on est ici les premiers à s'enthousiasmer pour le travail de gens comme Sons of Kemet ou le Ezra Collective, on peut aussi déplorer que cette volonté de dépoussiérer le jazz soit le fait d'un "ancien", aussi talentueux soit-il - car oui, méga spoiler alert, il est vraiment très bon ce 8 Regards Obliques, avec des reprises de Miles Davis ou Ornette Coleman qui ne se vivent pas comme des hommages polis, mais bien comme des expériences à part entière. Quant à ce Goûte Mes Mix d'Étienne Jaumet, il s'écoute comme un compagnon de route idéal du disque, car outre le résultat de ses récentes explorations jazz, on peut y retrouver Laurence Pike qui va jouer en première partie de sa date au New Morning le 27 novembre, et Thomas de Pourquery qui viendra l'y accompagner. Quelle homme quand même.

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