Dossier

Boîte à trésors: Le Klub des Loosers

par Jeff, le 17 avril 2012

Avec La fin de l'espèce, le Klub des Loosers a tout simplement sorti l'un des meilleurs disques de 2012. On est à peine en avril, mais il ne faut pas s'appeler Paco Rabanne ou Madame Irma pour comprendre que, dans un style qui lui est propre, le duo formé du emcee désabusé Fuzati et du producteur génial Detect a frappé un grand coup. Parlons-en justement de ce style. Dans le petit monde du rap indé made in France, le Klub des Loosers n'a pas de concurrent digne de ce nom. Et franchement, toutes les comparaisons faciles avec Orelsan ne tiennent pas la route, lui qui va d'avantage chercher son inspiration du côté de The Streets, le flow vitriolé en plus. Non, derrière les lyrics en mode "idées noires" de Fuzati se cache également un superbe travail de production, qui confie à l'orfèvrerie et révèle des influences multiples. Certes, on savait Fuzati et Detect en marge du rapgame français, mais les dix titres qu'ils ont retenu pour illustrer cette Boîte à trésors témoignent d'une ouverture d'esprit et d'une culture musicale insoupçonnées.

The Doors

Touch Me

Fuzati: J’ai souvent tendance à oublier que The Doors est un de mes groupes préférés. On parle beaucoup trop de Jim Morrison mais jamais assez de Ray Manzarek.

Full Moon Ensemble

Samba Miou

Fuzati: Je me sens beaucoup plus proche musicalement de ce genre de truc que de n’importe quel rappeur.

Brigitte Fontaine

Le goudron

Fuzati: « Mon frère est un raté car il est décédé », « Comme de l’eau qui bout, les enfants sont tous fous ». Ce morceau est un catalogue de punchlines.

Edan

Beauty

Fuzati: Un titre tiré de ce chef-d’œuvre qu’est Beauty and the Beat. Edan n’a pas sorti d’album solo depuis beaucoup, beaucoup trop longtemps.

Bertrand Burgalat

L'observatoire

Fuzati: Va-t-il falloir attendre que ce mec meure pour que l’on se rende compte que c’est un génie de la pop française?

Kevin Ayers

Song for Insane Times

Detect: Kevin Ayers est un vrai génie, un mélodiste hors pair qui a composé des albums sublimes. Il a été bassiste pour Soft Machine et a également joué avec Gong dans les années 70. Ce morceau représente bien toute l'étendue de son talent: une composition complexe avec des instruments hyper variés mais d'une cohérence folle dans le choix des sons et textures. Et il faut ajouter ajouter cela sa voix magnifique qui nous transporte ailleurs. Brillant.

Arthur Russell

Instrumental01

Detect: Un morceau tiré de son album First Thought Best Thought. Un disque instrumental lumineux qu'il a enregistré milieu des années 70 avec Rhys Chatam, Jon Gibson ou encore Ernie Brooks, le bassiste des Modern Lovers. Arthur Russell a fait des albums de disco triste, de pop, de musique classique, il a travaillé avec Allen Ginsberg, David Byrne ou Philip Glass. Il a été précurseur dans pas mal de domaines et a commencé à être réellement reconnu peut-être 15 ans après sa mort.

Spacemen 3

Walking With Jesus

Detect: Très certainement mon groupe préféré pour la bonne et simple raison qu'il a su allier à la perfection tout ce que j'aimais, à savoir la musique psychédélique, le son rock rugueux qu'a inventé le Velvet Underground, et le blues pour les textes et l'approche artistique. Ils ont également fait des longs morceaux drone instrumentaux de 20 ou 30 minutes incroyables qui peuvent rappeler des improvisations de Sun Ra mêlées à du Steve Reich sous exta. Je reviens constamment à leur musique, y a un côté intemporel qui me fascine chez eux. J'ai beau connaitre leurs disques par cœur, je ressens la même émotion à chaque fois tellement il y a de la fraicheur et de la liberté là-dedans.

Phil Cohran & Legacy

White Nile

Detect: Musicien dans le Sun Ra Orkestra dès les années 60, Phil Cohran a fait plusieurs disques de son côté, dont African Skies enregistré au Planetarium de Chicago en 1993 en hommage à Sun Ra décédé deux jours plus tôt. On ressent toute l'émotion qu'il pouvait y avoir dans cette interprétation. Ce disque est somptueux.

Mississippi Fred McDowell

Goin' Down The River

Detect: Inutile de rappeler quand sans le blues, le rock n'aurait pas existé. Les "stars" du rock ont non seulement repris toutes les bases de la musique blues, mais également le train de vie de ces mecs qui étaient drogués et alcooliques 24h/24. Sauf qu'en 1930 ils n'avaient pas un rond, tout le monde s'en foutait et c'était la grande dépression. Alan Lomax dans son fameux périple des années 50 est retombé sur certains bluesmen toujours en vie et une seconde carrière s'est offerte à eux. Comme Mississippi Fred McDowell avec cette rare apparition télé qui interprète un de ses morceaux écrit en 1929. Un live acoustique brut et direct qui sera un des fondements de la musique du Velvet Underground par exemple.

www.klubdesloosers.com