Dossier

Boîte à trésors: Chickfight

par Tibo, le 27 juin 2014

Comme pour tout, la reconnaissance est toujours une histoire d’ambition. A tous niveaux. Dans un microcosme wallon qui fait la part belle aux copinages (pour le pire, souvent), la détermination et l’obstination sont des qualités essentielles dont doivent disposer tout qui voudrait accéder à un statut décent dans l’industrie musicale. Comme pour mieux se blinder, c’est Outre-Manche que les gars de Chickfight ont aiguisé leurs épées. Après une démo anecdotique (car largement perfectible), il était temps de passer à l’étape supérieure, notamment en se trouvant un artisan capable de transcender un son basiquement punk pour l’amener vers des terrains plus progressifs (et massifs). Ce mec, ce sera Jag Jago, producteur connu pour être l’homme derrière le son de Mastodon ou The Maccabees. Acrobats sera à la hauteur des attentes, et placera Chickfight dans les formations à respecter dans la Belgique du rock (à défaut d’être les plus gros vendeurs de disque de la famille). Quand on leur demande de s’étendre sur une histoire musicale du groupe en dix titres, on comprend vite que, comme beaucoup d’autres à leurs époques, les quatre rêvaient de skate-punk, de rock et de hardcore. Une collection simple de grands étendards, cohérents malgré tout, qui rejaillit ici avec une cohérence plus qu’acceptable. De quoi définir en peu de lignes les raisons qui font de ce groupe cette sucrerie qu’on garde secrètement au fond de notre besace.

The Bronx

Strobe Life

On a découvert ce groupe quand on avait à peine 15 ans. “Strobe Life” figurait sur un sampler qui était offert avec un magazine. C’était super indigeste par rapport au skate punk ou au metal que tu pouvais écouter à cette époque-là. Mais en même temps, il y avait quelque chose de fascinant dans leur son qui dégageait à la fois une agressivité sans limite et des sonorités plus mélancoliques, jusqu’à revêtir des couleurs latino. La première fois qu’on les a vus en concert, le chanteur a terminé à poil avant de se vautrer dans la batterie. Ces types n’auraient rien su faire d’autre que The Bronx.

The Ghost Of A Thousand

Bright Lights

Ils se sont séparés en 2011. On a réussi à convaincre leur guitariste Jag Jago de produire et enregistrer notre album Acrobats. Son travail avec Mastodon et The Maccabbees est incroyable, mais ça ne vaudra jamais à nos yeux ce qu’il a su apporter chez les TGOAT. Cinq petits freluquets sapés comme des mods qui commencent leur carrière sous la houlette de Kurt Balou et qui finissent sur Epitaph Records, avec une plaque signée Pelle Gunnerfeldt (The Hives, Refused). “Bright Lights” est la synthèse de ce qu’ils ont apporté à leur genre: l’incisivité du rock garage et la fougue des premiers punkrockers.

Kyuss

Beginning Of What's About To Happen

Kyuss, on les vénère autant pour le fond que pour la forme : ces mecs ont initié une nouvelle approche à la croisée des genres les plus antinomiques. D’ailleurs, on ne les a jamais vraiment écoutés, un peu comme un livre que t’es obligé de recommencer depuis le début à chaque fois parce que t’en perds le fil. Ce club de visionnaires a d’ailleurs aujourd’hui éclaté pour encore mieux saupoudrer le rock moderne de son génie impérissable. Et puis, il est cool Josh Homme.

The Sonics

The Witch

Sincèrement, The Beatles, on s’en fout un peu. Ce n’est pas qu’on n’aime pas, mais on n’a jamais été fasciné par leur travail. A l’époque où la planète semblait obnubilée par ces types, The Sonics enregistraient l’album Here are the Sonics, genèse lo-fi enregistrée sur deux pistes qui annonçait le mouvement le plus dépravé que l’Angleterre ait jamais connu (après les boysbands, peut-être). “The Witch” ouvre le bal et se présente comme l’hymne d’une musique crue et agressive, à la limite de la justesse. The Sonics fait partie de ces groupes qu’on écoute parce qu’avant eux, ce qu’on recherche n’existait pas.

Blind Willie Johnson

Lord I Just Can Keep From Crying Sometimes

On a tous grandi en enjambant les guitares de nos parents ou en jouant avec les vinyles et cassettes nonchalamment rangées qu’on venait de faire dégringoler. La bande originale de ces premiers contacts avec le feu sacré ne peut être autre chose que le blues. On est vraiment à fond là dedans, surtout quand ça touche aux origines, voire au spirituel comme le revendiquent les précurseurs du genre. Blind Willie Johnson fait partie de ceux qui, par leur oeuvre, ont balisé le rock d’aujourd’hui.

Black Flag

Nervous Breakdown

Le punk hardcore a pas mal influencé notre musique, bien qu’on n’ait commencé à s’y intéresser qu’après nos débuts. Au-delà de leur approche minimaliste et radicale du punk rock, c’est surtout leur attitude DIY qui fait l’authenticité de Black Flag. Ce n’était pas juste une bande de ploucs qui crachaient sur le système, ils ont poussé l’anticonformisme jusque dans leur façon de concevoir la musique. Pas étonnant que tant de groupes actuels les revendiquent comme influence majeure, ils incarnent une sorte de témérité face à la culture de masse qui donne de l’espoir aux musiques plus marginalisées. Le titre de notre premier EP (Slackers and Slaves) est directement issu de cette philosophie.

The Who

My Generation

En Angleterre, les gens ont qualifié notre musique de prog-punk. Le seul groupe qui pourrait mériter cette appellation, ce sont The Who. Leur morceau “My Generation” a été victime de son succès car c’est devenu un titre qu’on range dans les classiques, alors qu’il rend compte d’une audace et d’une complexité improbable au vu du contexte dans lequel il est apparu. C’est très inspirant de t'imprégner de ce genre de démarches, ça te donne envie de prendre des risques, d’aller toujours plus loin sans faire de compromis. On était dans cette esprit là quand on a composé notre dernier album.

Thrice

in Exile

Leur parcours est exemplaire, dans la mesure où ils ont su mettre à profit leur bagage musical issu de la culture punk US au service d’un rock qui s'apparentait vers la fin de leur carrière à une sorte de grunge très viscéral, parfois même expérimental. Leur travail n’a de sens que si tu prends en considération toute l’évolution du groupe: la façon dont ils ont transposé les règles pour créer quelque chose d’unique est assez impressionnante. Thrice font partie de ces groupes qui ont développé une créativité inaltérable sans jamais se répéter.

Rancid

Maxwell Murder

La période d’incubation qui a précédé Chickfight a été intensément nourrie par des groupes de punk rock américain. On pourrait t’en citer un paquet, mais c’est Rancid et l’album ... And Out Come The Wolves qui reflètent le mieux notre adolescence musicale. C’était l’époque des sangles basses et des guitares bardées de stickers.

Run-Amuck

Dead

Les influences ne se limitent pas qu’aux temps dans lesquels elles s’exercent. Si on aime à ce point la musique, c’est surtout parce qu’on est attaché à une série de trucs qui lui sont inhérents. Dans ceux là, tu as évidemment les souvenirs de tes premières idoles, des fois où on t’a trimbalé dans toutes sortes d’endroits avec des gens bizarres et dont le groupe qui jouait te semblait inaudible, tout ça. Run-Amuck sont de ceux qui ont contribué à nous insuffler cette passion intarissable, sans quoi on n’en serait pas là aujourd’hui.

hqq.free.fr/chickfightwordpress/