Dossier

2019 en 50 albums

par la rédaction, le 14 janvier 2020

Pour GMD, les années 2010 se seront terminées de bien étrange manière. Dans un monde qui mute autant que le style de Russell Westbrook, ce qui devait arriver arriva : à force de basher les webzines qui avaient gagné du lectorat en postant des vidéos ou des mèmes sur les réseaux, on a été pris à notre propre jeu à la faveur d’un post improbable avec Georges-Alain Jones en vedette. 2019 aura-t-elle pour autant été l’année de la consécration ? On préfère vous le dire tout de suite : c’est le genre de questions qu’on ne se pose pas vraiment. Et cette année, fin de cycle décennal ou pas, succès star-academiesque ou pas, on a continué à faire le taf sans vraiment se soucier du monde qui nous entoure. Chercher, creuser, discuter, mettre en lumière des disques et des artistes qui nous semblent importants parce qu’ils disent quelque chose du monde dans lequel on vit. Voilà donc 50 disques, qui racontent 50 histoires sur une année qui n’a peut-être pas été riche en bouleversements, mais qui, avec le recul, aura quand même vu émerger de sacrées galettes. Beaucoup d’albums ont été laissés de côté, parce que GMD, c’est avant tout un groupe de gens qui s’écoutent les uns les autres et qu’on a fait en sorte que chacun puisse donner son avis, mais aussi parce que vous balancer un top 300, ce serait vous faire croire que ça remplace notre travail de l’année. En 2019, on a écrit des dizaines de chroniques, un sacré paquet de dossiers, des centaines d’articles qui vont ont permis de suivre l’actualité musicale, et on ne vous étonnera pas trop en vous annonçant qu’en 2020, on espère pouvoir faire la même chose.

#50

Private Meaning First

The Psychotic Monks

S’il avait fallu classer cet album pour la force qu’il parvient à déployer en live, il ne fait aucun doute que Private Meaning First aurait tutoyé les sommets du présent classement. Noise, post-rock, post-punk, garage rock, tout y passe. Mais franchement, l’étiquetage n’a plus beaucoup d’importance depuis que les Parisiens ont décidé de totalement lâcher la bride, d’embrasser le chaos pour de bon. Désormais, il s’agit pour eux de heurter les sons les uns contre les autres jusqu'à ce que la mèche s'embrase et que la détonation souffle tout sur son passage. Le K.O. debout de 2019.

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#49

Edge of Everything

Paula Temple

Combien de morceaux de techno sont publiés chaque jour dans le monde ? On n’en a aucune idée, mais on est certains d’une chose : pas simple de trouver son chemin ou de séparer le bon grain de l'ivraie. Lorsqu’une forme perd de son originalité, les artistes qui souhaitent prendre un peu de recul sur leur art ont besoin de changer de format. On comprend donc bien le choix de Paula Temple de sortir son premier album en 2019, après une carrière déjà monumentale. Edge Of Everything est un terrain d’expression et de liberté comme elle n’en a jamais eu, et c’est une vraie réussite. On vous prévient par contre : le calme dont elle bénéficie pendant la création ne garantit pas la douceur de la musique.

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#48

Wahala

Yatta

Elles en sont où, les musiques queer, en 2019 ? A côté des tentatives de mise en lumière dans un paysage politique encore peu sensible aux discriminations de la communauté LGBTQI+, la représentation à l’horizon musical n’est pas acquise, du moins dans les cercles les plus mainstreams. Ce n’est pas faute de pousser du côté des musiques expé : après l’émergence d’artistes comme Mikky Blanco ou Yves Tumor, 2019 a timidement noté l’existence de Yatta. On espère pourtant que sa musique produira ses effets, même avec un certain retard. Car Wahala est une bombe de narration : le malaise de l’Afrique et son héritage du blues, les violences de la masculinité, la paradoxale tristesse de la création esthétique en solo, tout se déploie lentement et méthodiquement à travers onze titres qui couvrent un champ monumental de la musique contemporaine. Pas un des disques les plus abordables de 2019, mais assurément un disque fort.

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#47

H.A.A.Q.

Liturgy

Liturgy ose, avec une désinvolture déconcertante, bousculer les codes d’un black metal qui se prend trop souvent au sérieux. Quand Deafheaven ou même Wolves In The Throne Room s'aventurent à revisiter le genre, il faut bien admettre qu’ils glissent parfois sur la peau de banane du premier degré – surtout sur scène. Mieux : Liturgy incarne à merveille les fondements mêmes du black metal, contrairement à ce que voudraient vous faire croire ceux qui voient dans le groupe l’une des plus vastes fumisteries de ces dix dernières années. Nous on y voit une certaine forme de génie, bien qu'à la limite du trolling.

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#46

Let The Sun Talk

MAVI

Face à l'évidente ressemblance vocale, on a une théorie un peu farfelue au sujet de MAVI et Earl Sweatshirt : à l'instar du dieu romain Janus, les deux rappeurs sont en réalité une seule et même personne. Les jours sombres, c'est la déprime d'Earl qui se cache sous les dreads ; les jours de lumière, c'est l'optimisme rêveur de MAVI qui prend le dessus. Bien sûr, notre fumeuse hypothèse ne tient pas la route : mais le fait qu’on ait envie de déconner là-dessus est une nouvelle preuve montrant que cette vague alternative dans le hip-hop US, symbolisée par des artistes comme MIKE ou billy woods, n’est pas une hype. Elle s’installe lentement, sûrement, avec talent.

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#45

Spiritual Instinct

Alcest

C’est toute la difficulté lorsqu’on cherche à placer Alcest sur l'échiquier musical : on ne sait pas très bien. Et ce nouvel album n’arrange rien. Il faut avouer que le binôme français aime toujours autant brouiller les pistes avec des compositions évoluant de manière totalement décomplexée entre shoegaze, metal atmosphérique, post-metal et dream pop. Mais si Spiritual Instinct partage de nombreuses similitudes avec Kodama, le groupe semble tout de même avoir refoulé les gimmicks pop à grands coups de blasts beats et de hurlements. Pourtant, la musique d’Alcest reste accessible à l’oreille un peu curieuse et on en vient à trouver dommage que la schizophrénie de son positionnement ne lui permette pas de toucher un public plus large que celui de la sphère purement metal.

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#44

BUBBA

Kaytranada

Par sa capacité à tisser un vrai fil conducteur malgré une grande variété de contenus, BUBBA ne tombe pas dans le piège de l’album compilation, et réussit à proposer un vrai disque de producteur. Photographie du R&B de la fin des années 2010, l’album propose une riche palette chromatique, dont on arrive pourtant à identifier le propriétaire sans peine. Bref, ressortez les durags, les bouteilles de Courvoisier, et les shiny suits : ici, on entre dans le domaine du clinquant, on réserve ses plus belles courbettes pour le new jack swing et la funk à tonton, et on empile les tubes avec suffisamment d’exigence et d’audace pour évoquer, par moments, les plus belles fulgurances de feu DJ Mehdi.

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#43

Resonant Body

Octo Octa

Octo Octa va mieux, et son dernier disque est celui d’une éclate totale. Loin d'enchaîner les DJ tools sans âme, Resonant Body est formidablement construit et chaleureux, débordant de bonheur, de spontanéité et de sincérité. La plus belle preuve de ce qu'on vous raconte, on la trouve dans cette petite bombe qu’est "Move Your Body", son vocal hyper efficace et ses lignes mélodiques cheesy semblant directement sorties d’un disque de Lone ou d’un jeu vidéo rétro. Mais que les amateurs de sensations fortes se rassurent : les vrais bons bangers ne manquent pas, comme "Ecstatic Beat", complètement jungle dans son approche. Voilà un disque qui nous a vraiment fait du bien en 2019.

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#42

BRUTAL 2

Ikaz Boi

À moins de vous attarder sur les crédits de production du dernier album de Niska ou des différents projets d’Hamza, le nom d’Ikaz Boi ne vous dit probablement rien. Et pour cause, si les beatmakers sont de plus en plus visibles dans l’économie du rap francophone, le nom des producteurs n’apparaît pas encore de manière aussi significative qu’aux États-Unis. Si pour beaucoup le talent d’un artiste réside dans sa faculté à bien s’entourer, BRUTAL 2 tire ainsi sa force de sa capacité à bâtir une zone de confort pour chacun de ses intervenants. Le processus de travail de Ikaz Boi laisse libre cours à la créativité de son invité en évitant de trop aiguiller les placements d’artistes avec qui il collabore régulièrement. De quoi remettre les beatmakers sur la carte d’un rap francophone qui en a cruellement besoin.

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#41

Juice B Crypts

Battles

Désormais duo, Battles est comme feu Stephen Hawking : pas besoin de rajouter des membres pour que ça fonctionne. L’intelligence du projet et sa curiosité en font un foyer autour duquel les featurings se rassemblent dans une cohérence inouïe, et qui reste capable de garder toute sa noblesse en travaillant avec précision le concept de boucle. Alors plutôt que d’y voir l’album de trop pour Ian Williams et John Stanier, on trouve cela plus crédible d’y voir l’album d’une résurrection, certes pas encore tout à fait achevée, mais excitante comme un commencement.

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