Concert

We Love Green 2018

Vincennes, le 1 juin 2018
par Aurélien, le 28 juin 2018

Déjà la quatrième fois qu'on se rend à We Love Green, et cette année plus que les précédentes, on était vraiment contents de revenir sur le site. Et pour cause: le festival s'offrait probablement sa plus belle affiche depuis sa création, la météo prévoyait du beau temps, notre bracelet cashless était prêt, et on avait de bonnes raisons de penser que WLG allait encore exploser ses chiffres de fréquentation. Bref, toutes les planètes étaient alignées pour que cette édition 2018 soit un excellent cru, et autant mettre tout de suite fin au suspens: ce fut le cas. Comme l'année passée, on a résumé l'affaire en dix paragraphes, entre amour et punchlines.

1. Boire une bière sans que ça ne devienne un chemin de croix: check.

Le chemin de croix de l'année dernière, on en faisait des cauchemars rien qu'à y repenser. Il y avait d'abord cette heure trente sous le cagnard pour pouvoir accéder au site. Ce soulagement à l'arrivée, très vite remplacé par la frustration du cashless sur lequel le festival communiquait encore peu à l'époque. Et enfin, ces interminables bagarres pour réussir à commander une Heineken à 7 euros. Niveau prix, on n'est toujours pas en Belgique, et on suspecte même la Macronie de vouloir indexer le prix des mousses sur celui du baril de pétrole. Mais pour ce qui est des files à l'entrée ou au bar, pas de soucis cette année: en communiquant mieux et en changeant la configuration des stands, on a enfin pu se désaltérer sans craindre de louper une moitié de concert. Ce n'est pas grand chose c'est clair, mais pourtant ça a suffi à rendre cette édition 2018 infiniment plus confortable.

2. WLG, un festival en Y sur l'autoroute du format familial ?

Ce n'est sûrement pas exclusif à WLG, mais c'est la première édition où l'on constate que le phénomène est aussi marqué: une affiche qui convie Orelsan, Beck et Björk attire une clientèle qui a souvent dépassé la trentaine et est confrontée à des logistiques parentales. Difficile de ne pas remarquer que le public a pris un peu d'âge pour cette édition: la jeunesse ivre de son cocktail MD / Heineken qui comate le cul dans l'herbe, elle a dû faire un peu de place pour les parents qui trainaient leurs petits bouts par la main, ou posés bien tranquillement sur leurs épaules pendant les concerts avec un gros casque anti-bruit sur les oreilles. Une clientèle pas forcément habituée à ce milieu de fêtards, et qui pourtant a su montrer qu'elle avait parfaitement réussi à s'intégrer dans l'équation. Bref, les enfants ont totalement trouvé leur place, et confirment par la même occasion que WLG est comme le WU, "for the children".

3. Les maisonnettes de We Love Green, ce festival dans le festival.

Les années précédentes, lorsqu'on partait à la recherche d'un pinte entre deux concerts, on n'avait pas le temps de se perdre un peu sur le site et donc de tomber sur les maisonnettes du We Love Green. Vu l'espace qui leur était dédié, c'était clair que le son ne pouvait être qu'abominable. Tout le contraire de l'ambiance qui y régnait: Teki Latex a offert un cours de voguing avant de se permettre quelques parenthèses future bass, le Captain Nemo de l'ABCDR du Son a célébré le turn up, et beaucoup de gros noms ont assuré le show pour faire de l'ombre aux autres scènes du festival. Idéal pour confier la garde ta go aux infâmes Roche Musique pendant que tu t'en allais faire des coeurs avec les doigts devant les prestations (malheureusement un peu trop scolaires) de Jorja Smith et IAMDDB. On appelle ça la paix des ménages.

5. Björk, cette magnifique kermesse pour adultes.

A qui s'adressait le set de Björk dimanche soir ? A regarder le public, c'était très difficile à dire. Il y avait évidemment beaucoup d'adultes, mais aussi énormément de gamins sur les épaules de leurs parents. Et quand le concert a commencé, on a carrément mis les pieds à Disneyland: un magnifique décor tout en verdure, des musiciens fringués comme des plants de cannabis, et une maîtresse de cérémonie portant un masque digne du carnaval de Venise. Une façon comme une autre de dire que l'unique concert français de l'Islandaise a tenu toutes ses promesses: son petit dernier Utopia prend une dimension théâtrale sur scène, et le spectacle qu'elle a offert a démis pas mal de mâchoires et suspendu le temps de la plus belle des manières. Ceci étant dit, l'expérience aurait sans doute été plus forte dans l'intimité d'une salle de concert que sur une plaine où certains parlent très fort pour dire bien peu de choses, et où l'absence d'écrans géants posait problème. Il n'en reste pas moins qu'on a assisté à un bien beau moment de poésie, à déposer dans le haut du panier de cette édition.

6. Sinon, pour une fois, le rap sur scène n'a pas trop déçu hein.

Quand j'embarque pour un concert de rap, un seul leitmotiv: "ça va être nul". Les déceptions pourtant, il n'y en a pas eu cette année. Niveau français, Orelsan a livré une prestation à la hauteur de son catalogue, et Myth Syzer, avec beaucoup de guests, a réussi à faire exister son crossover rap / chanson française sur scène - il a même fait chanter son public avec un morceau qu'il avait composé 48 heures avant et c'était vraiment bien. Quant à Tyler The Creator il a clôturé le festival sur un set extrêmement efficace qui a réussi à rendre compte de l'épatante solidité des tubes de ses trois derniers disques, en évitant ENFIN d'avoir recours à "Yonkers" pour convaincre. Cerise sur le gâteau, malgré ses airs de passage à tabac d'autotune avec un DJ qui martelait des "Mi-Mi-Mi-Mi-Mi-GO" à tout bout de champ, le set de Migos nous a donné très chaud, avec une setlist solide qui a régalé autant les fans de No Label 2 que des deux Culture. On a même pris plusieurs jours avant de réussir à s'exprimer sans ad libs, ce qui en dit long de la mission accomplie par les Black Beatles ce samedi soir.

7. Arrêtez de booker Jamie XX sur de grosses scènes, bordel.

Sur la scène du Lalaland sur laquelle se sont enchaînés beaucoup de gros pousse-disques, c'était franchement la fête. Parmi les temps forts de cette édition, il y a ceux dont on attendait beaucoup, et notamment Young Marco qui a livré un set exemplaire, taillé sur mesure pour un dimanche après-midi doux et ensoleillé. Et il y a ceux qu'on attendait un peu moins, et qui nous ont régalé: Dixon et son set tech-house qui a tapé fort, le B2B Shanti Celeste / Funkineven tout en poussées de fièvre ; Baba Stiltz qui nous a confirmé qu'il avait autant sa place derrière des platines qu'aux manettes de chansons pour la clique Sadboys ; et Daphni qui s'est autorisé a lâcher un peu la sauce en envoyant d'entrée de jeu "The Vamp" d'Outlander. Le seul qui a vraiment juré en squattant la grande scène de la Prairie plutôt que la configuration club de Lalaland, c'est Jamie XX. Parce même si on l'aime bien, il n'a définitivement pas le panache pour tenir la distance - même si ça nous fera toujours marrer qu'il joue du MHD. Il serait donc temps pour les programmateurs d'arrêter de le booker comme si c'était un concert, alors qu'au loin on entendait The Black Madonna envoyer la sauce comme jaja.

8. Sampha sur scène, c'est quand même vachement moins chiant que sur disque.

Ce n'est pas très fair play de réutiliser un titre déjà utilisé pour illustrer la prestation de Solange dans notre compte rendu de l'année passée. Pourtant, tout comme la sœur de Beyoncé, l'anglais Sampha nous a toujours laissé un arrière-goût de surestimé, avec son grain de voix unique qui n'arrive pas à nous garder alertes plus de deux titres, et qui n'a jamais réussi à nous faire aimer le virage pop de SBTRKT. Même en interview, on s'est fait une image un peu faussée de cette grande guimauve timide et parfaitement inoffensive, et on a toujours eu tendance à penser que le mec était juste bon à récoler un Mercury Prize dont tout le monde se fout. C'est peu dire si l'on attendait rien de son set, et pourtant on s'en serait voulu de louper sa prestation car le bougre a pris une assurance folle sur scène. Et au final, sa musique si linéaire sur disque prend sur scène une dimension stellaire, avec des musiciens au taquet, et une setlist équilibrée entre fougue électro-pop et moments plus intimistes. Quand le concert s'est achevé, on en est même venus à se demander si, en définitive, le battage médiatique qui entourait l'anglais n'était pas mérité, ou si l'on était pas (comme d'habitude) de sacrés aigris. Ou un peu des deux à la fois. 

9. "Lomepal ? On est trop vieux pour ces conneries"

Il y avait beaucoup de jeunes pour voir Lomepal. Non, on rectifie: il y avait bien trop de jeunes pour penser qu'à bientôt trente ans, on pouvait avoir notre place au concert du Parisien. Mais bon, on avait envie de tenter le truc: Antoine Valentinelli a fait une tournée triomphale à travers la France, passé l'épreuve du canapé de Ruquier avec brio, et a surtout dans son répertoire une chiée de bons singles (on a "70" et "Yeux disent" en ligne de mire). On partait donc pour un concert bien rodé, avec une belle énergie juvénile. Ce qui s'est effectivement passé d'ailleurs, mais on avait juste pas prévu de s'emmerder autant: si la prestation du MC fut bonne, on a vite compris qu'un concert de Lomepal impliquait d'être un grand fan de Lomepal. Et que quand on rentre dans l'âge où l'on se rappelle mieux de la date limite de paiement des impôts que du nom de telle ou telle figure de skateboard, c'est la preuve ultime qu'on n'a rien a foutre dans le coin, tant le parisien n'a pas encore la palette suffisante pour parler à autre chose qu'un public en pleine fleur de l'âge. Une prochaine fois peut-être ? 

10. Pourquoi, en définitive, WLG 2018 c'était archi cool et qu'on a déjà envie de voir la tronche de l'édition 2019?

Parce que depuis le temps qu'on vient, on se plait à voir les choses évoluer, et on sent que toute cette équipe est très attentive aux remarques faites à l'organisation. Alors certes, tout n'est pas encore parfait, et quelques menues questions subsistent encore: pourquoi avoir programmé un groupe comme The Internet sur la grande scène de la Prairie ? Pourquoi cette trop grande proximité entre la Prairie et le soundsystem du Lalaland ? Pourquoi Agathe Auproux faisait-elle la gueule au stand de bao ? Et surtout, pourquoi toujours pas de programmation nocturne ? Autant de questions qui resteront sans réponse, mais qui ne nous empêchent pas de constater que la logistique et l'organisation ont été à la hauteur d'une ambitieuse affiche. Aucun doute, donc: le rendez-vous est pris pour 2019, et on sait d'avance que ce sera encore mieux. On t'y retrouve ?