Concert

I Am Kloot

Paris, Le Nouveau Casino, le 27 mars 2008
par Splinter, le 1 avril 2008

"Absolutely fucking beautiful". Lorsque John Bramwell, leader du groupe mancunien I Am Kloot, parle ainsi, en ce 27 mars 2008 au Nouveau Casino à Paris, ce n'est pas pour qualifier son physique. On sait d'ailleurs ce qu'il en pense depuis "Stop", sur Natural History, leur premier album, sorti en 2001 ("God made me ugly, so don't string me along"). Ce n'est pas non plus pour qualifier ses compères, qui ne sont pas à proprement parler des gravures de mode ni des canons de beauté, eux que l'on pourrait plus facilement qualifier d'affreux, sales et méchants : des Anglais légèrement imbibés, dont un batteur chauve qui masque sa calvitie par une grande mèche rabattue maladroitement sur son crâne (et qui ne se fait prendre en photo que de profil droit), un claviériste sosie moche de Mark Wahlberg… Non, ces I Am Kloot ne sont pas sexy pour un sou.

En réalité, cet excès d'immodestie s'adresse à l'un des morceaux du nouvel album du trio, I Am Kloot play Moolah Rouge (sic), dont la sortie est prévue pour la mi-avril dans les bacs (et qui était disponible à la sortie du concert mais malheureusement uniquement contre du cash, alors que je n'avais que ma carte bleue sur moi…). Et il a raison, le bougre de Bramwell. Un peu de confiance en soi ne fait jamais de mal, surtout lorsqu'elle est justifiée. Non pas que les nouvelles chansons de ces couilles ("kloot") pas si molles laissent un souvenir impérissable à la première écoute. Mais tout de même, en quelques années, Bramwell est parvenu à accoucher d'une grosse poignée de perles pop folk à faire frémir autant le rockeur que le businessman cravaté, en passant par la mamie, saluée d'ailleurs par le chanteur à la fin du set.

Alternant méthodiquement les nouveaux et les anciens titres, les I Am Kloot sont parvenus ce soir à mettre tout le monde d'accord : oui, ceux-là sont les maîtres en matière de ballades sombres et torturées, grâce à une finesse d'écriture, acerbe et profondément désabusée, ayant autorisé la comparaison avec un certain Morrissey, étalon-or de la plume pop depuis une vingtaine d'années. "From Your Favorite Sky", "To You", "Storm Warning", et "Dark Star", ma petite préférée : ces chansons sont de celles qui filent la chair de poule tant elles sont magnifiques et magnifiquement interprétées, par un Bramwell qui se débat un peu ce soir avec sa guitare, qu'il a du mal à accorder, qui se prend un micro dans la tête, mais qui semble manifestement prendre du plaisir à leur donner chair.

Que dire, également, d'Andy Hargreaves, le batteur, frère capillaire d'un Laurent Fabius mais barbu, dont on parlait plus haut, qui compense son physique ingrat par un jeu de batterie époustouflant, trahissant une formation jazz – à moins que je ne me trompe. Vraiment, ceux-là sont des très grands, que le grand public paraît bouder, alors même que le Nouveau Casino, salle minuscule s'il en est, plein à craquer, semblait sur le point de chavirer. Une heure trente de show, c'est un peu court, mais c'était tellement bon et intense, que cela valait vraiment la peine d'être vu et – surtout – entendu.