Concert

Die Antwoord

Caserne Fonck, Liège, le 19 novembre 2010
par Simon, le 24 novembre 2010

Difficile d'être passé à côté du phénomène Die Antwoord ces derniers mois. Une bande de sud-africains moches et excentriques faisant de leur scène locale un nouveau genre planétaire, voilà le programme. Le trio formé par Yo-Landi Vi$$er, Ninja et Hi-Tek ne respecte aucun code et ne défend aucune école, sinon celle du décalage permanent, du contre-pied à tout prix. Avec comme devise « Taking Over the Interweb », cette bande de consanguins s'est payé le luxe de sortir son album dans un contexte entièrement dédié à sa cause : plan promotionnel en béton, imagerie tape-à-l'œil et couverture médiatique par les grosses sirènes mondiales.

Le résultat est radical, du moins dans l'approche qu'on peut en faire : on le hurle ou on le vomit. $O$ aura ce mérite de ne laisser personne sur la touche, du réac' blasé au kid naïf, tout le monde aura son mot à dire sur le cas Die Antwoord. Mélange improbable d'eurodance trancey sur le retour et de hip-hop multiculturel, $O$ se veut comme un album rentre-dedans, qui avance comme un tank en faisant confiance à son blindage épais. Ça rappe vite, en Anglais et en Afrikaans, ça dézingue tout sur son passage sur des productions léchées et volontairement kitsch. Leur équation tient là-dedans – c'est bien peu pour certains – et a au moins le mérite d'attraper l'oreille au passage. A partir de là, certains considèreront Die Antwoord comme un groupe en avance sur son temps, les autres les verront comme une mauvaise caricature de notre modernité musicale.

Mais que vaut finalement Die Antwoord sur scène? Voilà une question qui aura le mérite de mettre à l'épreuve les limites prétendues de ce premier album. Car outre le fait qu'on ait aperçu les trois Sud-Africains collaborer avec Aphex Twin, on connait bien peu de choses du phénomène sur scène. C'est ce qui nous amène ce vendredi 19 novembre pour l'unique passage du groupe en Belgique. Et comme un signe, c'est l'inévitable organisation du festival Les Ardentes qui a décroché la timbale. Concept-satellite de l'évènement estival, Les Heures InD s'est payé un mini-festival indoor de toute bonne qualité, alternant musiques électroniques (Drums Of Death, Die Antwoord, The Oddworld) et folk-rock (Midlake, Sophie Hunger, Anna Calvi) sur deux soirées bien remplies.

On arrive sur la fin du set de Drums of Death, nouvelle coqueluche britannique, qui tape un mélange entre fidget house, synth-pop et dubstep qui tabasse, le tout maquillé comme un prêtre vaudou. Ça se laisse manger, pour autant qu'on ne soit pas trop regardant sur l'originalité. Ça tombe bien, on n'était pas venu pour lui.

Passée les cinq minutes d'introduction, les trois consanguins montent sur scène et s'introduisent avec un « Enter The Ninja » logiquement survolté. La description est facile à faire : Yolandi Vi$$er est aussi malsaine qu'excitante encapuchonnée dans son pyjama de Teletubbies, à brailler et rapper à tue-tête; Ninja débarque avec des tatouages de marins et une coupe de G.I Joe, cale son phrasé avec adresse tandis que Hi-Tek balance avec facilité ses « next level beats ». Et c'est ça qui étonne : il n'y a que peu de différence entre le produit léché qu'est $O$ et la prestation que livrent ces trois dérangés. Mieux, l'ensemble gagne en puissance et le public fait corps avec ses hôtes. Le reste n'est qu'interludes en Afrikaans, grossièretés à tout va, castagne avec un réfractaire, bombes scéniques et personnalités exacerbées.

1Die Antwoord est un produit carré, imparable et, qu'on le veuille ou non, assurément bien calibré. Une formation solide qui, derrière son attitude WTF, fait preuve d'un professionnalisme irréprochable. Qu'on les aime ou non, cette histoire issue des townships sud-africains aura su mettre dans sa poche quelques centaines d'auditeurs en une heure. Et ça, ce n'est pas donné à tout le monde.

Crédit photo: Digg.be