You Stand Uncertain

FaltyDL

Planet Mu – 2011
par Simon, le 12 avril 2011
6

Chroniquer le nouvel album de FaltyDL en 2011 est un exercice assez amusant. Lui, New-Yorkais depuis toujours, se retrouve aujourd'hui présenté comme le point d'ancrage de la future bass. Pourtant, à l'époque de son premier album - Love Is A Liability, sorti en 2009 et certainement sous-évalué par GMD – le bonhomme n'était aux yeux des hipsters qu'un artiste de plus au sein de la clique Planet Mu. Pourtant, d'un point de vue historique, l'Américain pourrait représenter l'alpha et l'oméga de la nouvelle scène électronique anglaise : la house garage, jouée à New-York à la fin des années 90's, puis importée en Angleterre dans sa version dub, donnera logiquement naissance au uk garage. Quand on sait que le uk garage a progressivement donné naissance au dubstep, avant de se laisser mourir dans des mutations house, techno ou à nouveau post-garage, on se dit que le point de vue musical d'un mec comme Drew Lustman vaut forcément son pesant de cacahuètes.

Puis au-delà de la perspective historique – qui n'intéressera que les plus fans – on se devait de se pencher sur You Stand Uncertain comme sur un disque qui clôturait une évolution toujours ascendante. De Love Is A Liability, élan post-moderne sur le garage américain et l'acid anglais, au très abstract hip-hop Bravery EP, on s'est toujours répété que FaltyDL était un producteur aussi essentiel qu'en avance sur son temps. Puis il y a eu ces deux claques: Phreqaflex et Endeavour, soit deux EP qui effectuaient un virage radical dans la discographie du producteur de la Big Apple. En insistant sur les lignes claires du uk garage plutôt que sur l'electronica et le hip-hop, l'Américain choisissait son camp avec un style de composition et une dynamique qui le rendait tout simplement unique au sein de la scène bass music anglaise. C'est à ce titre que You Stand Uncertain est sans doute l'un des albums les plus attendus de l'année. Mais voilà.

Mais voilà You Stand Uncertain n'est nulle part. Ce disque est bon, mais il est faible. Les amateurs le savent, le uk garage n'est pas une musique anti-chars comme peut l'être le dubstep. Sa force, c'est son aspect félin, les boîtes à rythmes qui vous brisent l'échine dans leur fatales inerties, les samples vocaux qui font pleurer le béton et l'aspect compact du tout. Phreqaflex, Endeavour et Love Is A Liability possédaient cet esprit romantique et guerrier à la fois. You Stand Uncertain, lui, hésite entre electronica et garage de manière trop persistante, et finit logiquement par y perdre sur les deux tableaux. La composition est beaucoup trop fragmentée, les idées qui en émergent ne s'attrapent pas assez vite au vol. Bref, on est dans de la démonstration.

Pourtant, quand il choisit son camp, FaltyDL peut laisser exploser son véritable talent : « Open Space », « Lucky Luciano » ou « Eight Eighteen Ten » auraient eu leur place dans le Richard D. James Album d'Aphex Twin alors que « You Stand Uncertain » ou « Tell Them Stories » feraient de bons exemples de ce que peut donner le garage joué à un haut degré de maîtrise. Mais tout est rattrapé par des voix soul pas toujours adéquates, par un foisonnement d'idées qui ne se tiennent que trop rarement. C'est peut être l'écueil définitif d'un genre qui ne conçoit que dans l'avenir : à force de calculer leur futur, des mecs comme FaltyDL oublient de se poser dans le présent. Love Is A Liability conserve encore aujourd'hui ces défauts qui lui donnent un cachet inimitable; You Stand Uncertain vivra son existence avec sa trop lisse perfection pour compagne. A vouloir trop influencer les mouvements de demain, le post-dubstep se carbonise avec le sourire. Un hybride académiquement parfait mais faible, trop faible.