Yôkaï

Yôkaï

Humpty Dumpty Records – 2019
par Jeff, le 28 février 2019
6

Le concept de rock belge tenant plus de la vue de l’esprit que de réalité tangible, on ne s’étonnera qu’à moitié qu’un des meilleurs groupes à s’extirper aujourd’hui de ce fourre-tout semble faire tout son possible pour défier les catégorisations.

Ce groupe, c’est Yôkaï, et dans sa manière d’opérer, on a plutôt envie de parler d’un collectif dont les membres mettent leur expérience engrangée avec d’autres formations (Joy As Toy, Jahwar, La Fanfare du Belgistan) au service d’un projet dont le seul et unique but consiste à se construire un terrain de jeu qui s’étend à perte de vue, provoquant un sentiment de gigantisme qui submerge au point de nous faire abandonner la perspective de découvrir le disque à partir de marqueurs identitaires forts.

Évidemment, l’oreille un peu experte aura vite fait de remarquer que ces jeunes gens doivent avoir énormément de références kraut, ethno-jazz et rock psyché stockées sur le disque dur, mais la manière dont ils s’en servent témoigne d’une volonté de s’en affranchir dans le seul but de produire un disque dont les vertus psychotropiques prendraient le pas sur tout le reste.

Pour y arriver, on sent une volonté claire de travailler dans l’improvisation - en même temps, les chapelles dont ils se revendiquent ne poussent pas vraiment à marcher dans les clous ou à respecter des formats préétablis. Mais à l’écoute des 8 pistes de cet album, on sent surtout une compréhension mutuelle qui permet à chaque intervenant d’intégrer très clairement le rôle qu’il doit assumer pour mener à bien l’entreprise, un effacement de l’individu au profit du groupe qui profite à des compositions qui n’en font jamais trop, ne virent jamais à l’interminable jam session qui ne fait kiffer que ceux qui y prennent part.

Pourtant, et c’est le seul bémol, on aimerait que Yôkaï lâche encore un peu plus la bride, parte dans un formidable dérapage contrôlé qui les verrait flirter en permanence avec le glorious wtf et le grand portenawak. C’est probablement parce qu’ils sont bien conscients des dangers encourus que les huit Bruxellois ne jouent pas encore assez avec leurs propres limites. Et c'est probablement parce qu'on les sait capables de se mettre en danger sans se prendre les pieds dans le tapis qu'on continuera de les suivre.