Yeraz

Trygve SEIM/ Frode HALTLI

ECM – 2008
par Franck, le 2 décembre 2008
9

La Norvège… Ses fjords, son hiver, le son métal et électro de Bergen… Kings of Convenience, Royksöpp etc. Il faut aussi compter avec le jazz. Et quel jazz !  Trygve Seim est saxophoniste. Frode Haltli est accordéoniste. En 2001, Seim est unanimement salué par la critique pour son album Different Rivers. La même année, Haltli est désigné meilleur jeune soliste de Norvège. Ces deux-là étaient donc amenés à travailler ensemble. C'est chose faite avec Yeraz. L’association de ces deux instruments, accordéon et saxophone, est inédit et devrait plutôt faire fuir. Mais bizarrement, on en redemande. Pourquoi ? On se pose encore la question. Toujours est-il que l’émotion est au rendez-vous. La sérénité qui se dégage de cet album est sidérante.  Si Seim et Haltli sont norvégiens, avec Yeraz, on vole au-dessus des vastes plaines de pays orientaux lointains. La force de ces deux musiciens réside dans le fait qu’ils se laissent plonger dans leurs rêvasseries pour les traduire ensuite en musique. Aucune note n’est à laisser en route. Les silences sont justes, fragiles. L’Horizon semble être leur quête perpétuelle. Ne jamais sombrer. Toujours partir le plus loin possible tout en restant sur place. En cela, on peut y voir le pendant saxophone/accordéon du piano de Tord Gustavsen. On notera par ailleurs une petite curiosité dans cet album: la reprise de "Redemption song" de Bob Marley.

Percevoir le souffle de Tryve Seim dans son saxophone prodigue à Yeraz une proximité avec l'auditeur rarement entendue. L’ouverture de l’album, "Praeludium - Bayaty/Duduki", (12min 44) donne le ton. Grave ou léger, Yeraz ne laisse pas indifférent. La légèreté pour le saxophone, la pesanteur pour l'accordéon, les instruments ne se bousculent pas et restent à leur place. Pour une symbiose parfaite. Avec une moyenne de 7 minutes par titre, les deux Scandinaves ne font pas dans le punk. Et pourtant, leur approche est sensiblement la même : le refus de l’ordre établi. Ordre établi qui oblige à aller vite, passer rapidement à autre chose. Non, décidément, Yeraz n’entre pas dans ce schéma. Il faut écouter, réécouter cet album. Prendre le temps d’en apprécier chaque note. Par son universalité et son sentiment d'éternité, c’est sûrement un des plus beaux disques de cette fin d’année.