Xine

Sven Weisemann

Wandering – 2009
par Julien, le 14 mars 2010
8

Ceux qui suivent de près l'actualité des musiques deep connaissent forcément Sven Weisemann. Depuis quelques années, le Berlinois offre de fascinantes perspectives au monde électronique en combinant Detroit techno, Chicago house et sonorités dub-ambient. C'est quelqu'un, aussi, qui dit à qui veut l'entendre qu'il est pianiste, et se filme naïvement en train jouer ses morceaux préférés pour nous le prouver sur Youtube. Un peu mégalo sur les bords, Sven Weisemann a donné le bâton pour se faire battre : on était pas loin de considérer cette revendication comme une fumisterie, on était pas loin aussi de lui conseiller de se recentrer sur son ordinateur et ses platines. Et puis son premier album est arrivé, Xine, et nous nous sommes inclinés.

Chez lui comme chez la plupart des producteurs house et techno, long format est synonyme d'écoute domestique. Et ici il est allé très loin. Pas la trace d'un kick, aucun désir de faire taper du pied, Xine est album de... néo-classique. Sven Weisemann a composé vingt courtes pièces pour l'occasion, vingt morceaux principalement centrés autour d'un jeu de piano grave et douloureux. L'ensemble possède une charge dramatique indéniable, et donne à l'ensemble une tristesse sans commune mesure. Et quand ce n'est pas le piano dont l'effet est lacrymal, ce sont quelques cordes, cœurs ou autres claviers qui prennent le relai.

Décrit de cette façon, il est compliqué de faire un lien entre ce disque et les précédents travaux de Sven Weisemann. Or Xine est largement nourri du vécu électronique de son auteur. Réverbérations dub, samples vocaux, coups de pinceaux ambient, les instruments ne sont quasiment jamais laissés sans ornements numériques. L'atmosphère y gagne en étrangeté, en pouvoir de pénétration. C'est un lieu commun mais le jeune Allemand l'affirme lui-même, son disque se veut cinématique et évocateur, c'est la bande originale d'un film pas encore tourné. En cela et en beaucoup d'autres choses nous pensons au compositeur Max Richter, allemand lui aussi, et dont le créneau est identique : mélancolie prégnante, douces explorations électroniques et grande proximité avec la musique de films. Quand Sven Weisemann est un peu moins inspiré, il rappelle aussi la figure un peu cheap du genre, Craig Armstrong. Mais rassurez-vous, ces moments sont rares et nous sommes la plupart du temps aux anges, heureux d'écouter une musique aussi triste et excité de voir éclore un tel talent.