Wilderness Heart

Black Mountain

Jagjaguwar – 2010
par Romain, le 17 septembre 2010
9

Depuis le flop bien mou du dernier Wolfmother, le rock psyché n’a pas eu grand-chose de pêchu à nous proposer. C’en était même presque devenu désespérant. Certes, Sleepy Sun a su mitonner un Fever bien sympathique juste avant les vacances, mais ce disque n’était pourtant pas non plus du genre à réveiller un mort. Que faire dans ce cas là sinon croiser les doigts et attendre que Black Mountain revienne rapidement avec une bonne tripotée de riffs bien grassouillets ? Et bien, chers lecteurs, pour une fois ça valait le coup d’attendre ! Wolfmother peut d’ailleurs continuer à pondre des albums liquides pendant des centaines d’années encore, si Stephen Mc Bean se déleste au minimum d’un Wilderness Heart tous les cinq ans, les dieux du psyché continueront de faire tourner le monde sur son axe.

Et dire qu’il y a quatre ans encore, le groupe sortait tout juste de sa cave enfumée, avec pour base de fans des vieux briscards en t-shirt de Led Zepplin ? Et il fallait alors être vraiment un chasseur de buzz sans scrupules pour avoir ouï dire quoi que ce soit à leur propos dans les tréfonds de la blogosphère. Désormais, c’est à la batte que Black Mountain en train de se ménager une place dans la galaxie mainstream, et ce non sans bourriner la carlingue déjà bien corrodée des Harley’s du Black Rebel Motorcycle Club. C’est qu’avec Jagjaguwar (Okkervil River, Bon Iver, …), le duo Black Mountain/Pinkmountain Tops a été plutôt bien pris en main. La preuve avec le débarquement valibré au millimètre d’In the Futur en 2008 qui, dans le contexte géométrique ambiant, avait tout pour séduire : une pochette cubique, des rythmes cubiques et des riffs cubiques. Exactement le genre d’excentricités polygonales capable de fédérer en même temps les mordus de Pink Floyd et la jeunesse ‘cool et rebelle-chemisée-cuir’. Tout bon qu’il fût, In the Future était pourtant un peu mal dégrossi sur les côtés. Tous ces cubes empilés n’inspiraient pas vraiment la légèreté de ton et la nuance de grain. Taper lourd est une chose, mais taper lourd avec classe en est une autre... Et c’est justement ce défi que se propose de relever Wilderness Heart.

Manifestement le mot d’ordre consistait à abandonner la formule monolithique des albums antérieurs pour miser sur une forme beaucoup plus hétéroclite. Et il en fallait donc pour toutes les oreilles. Pour ce faire, Mc Bean semble être retourné dans sa discothèque personnelle pour dégoter un tas de thèmes ne se limitant pas exclusivement aux sources traditionnelles du heavy psychédélique (en gros, Black Sabbath). On retrouve donc ici n tas d’influences purpliennes (« Old Fangs » est un exemple de choix), garage rock (« The Hair Song », « The Way To Gone ») ou même folk avec des balades acoustiques à quatre épingles (« Radiant Hearts », « Buried By the Blues » et la magnifique « The Space of Your Mind » qui semble tout droit venu d’une autre époque). Mais que les fans de cubes ne se fâchent pas : mis à part ces quelques écarts de conduite du meilleur goût, les murs de distorsions ne manquent pas de s’abattre. Les immenses « Rollercoaster », « Wolderness Heart » et le massivement cylindré "Let Spirits Ride" sont d’ailleurs là pour en témoigner, basses cadencées et riffs en plomb à l’appui.

On ne va pas vous faire un dessin: Black Mountain a décidé de se diversifier sur Wilderness Heart. Ce faisant, il prouve qu’il a un bon paquet d'atous en main. Car si d’aventure ce groupe avait tendance à vous brusquer le tympan jusqu’à l’abrutissement par le passé, sachez qu’il vient de pondre une pure merveille d’album; une perle juste, égale et rythmée de bout en bout par de vraies mélodies et une palette de sonorités très riche.

Le goût des autres :
9 Laurent