White Bronco

Action Bronson

Empire – 2018
par Jeff, le 30 novembre 2018
5

Il y a 3 ans, on aurait pu dégueuler 10.000 signes sur Action Bronson sans même devoir évoquer concrètement sa musique. À l'époque, l'hystérie collective entourant son personnage de cuistot devenu rappeur rendait d'abord justice à sa capacité à comprendre son époque comme personne. Et puis le storytelling, les prises de catch sur scène, les collaborations avec Vice ou Carhartt, la barbe rousse ou la surcharge pondérale du bonhomme étaient autant d'éléments capables de faire oublier chez pas mal de monde que le gars du Queens est juste un gars incroyablement cool avec qui on aimerait se mettre la race tous les week-ends, mais qui rappe finalement comme Ghostface Killah.

Nous sommes en 2018, et comme on l'avait déjà pressenti sur Blue Chips 7000, le soufflet est retombé : la collaboration avec Vice a touché à sa fin, son contrat avec la major Atlantic Records a été résilié et White Bronco est sorti dans une inquiétante indifférence - il n'a toujours pas sa page Wikipédia dédiée, ça veut tout dire. En même temps, ce nouveau disque s'inscrivant dans le droit fil du précédent (donc étrangement sobre), il fallait s'attendre à une telle réaction d'un public toujours en demande d'excentricités de la part de Bam Bam. Mais alors que Blue Chips 7000 était la preuve que ce retour à une situation un peu plus "normale" était une bonne chose pour un rappeur qui semblait davantage bosser pour son public que pour sa gueule, White Bronco montre d'inquiétants signes de surchauffe.

Sans vrai fil conducteur car produit par tous les usual suspects avec qui il a bossé ces dernières années, White Bronco semble être l'œuvre d'un artiste plus paumé qu'on le pensait. Et si l'on peut passer outre le côté puzzle du projet, on a plus de mal à écouter un Action Bronson qui semble s'emmerder derrière le micro. On va dire que vu les tendances dans le rap actuel, il n'est pas difficile de passer pour un rappeur "à textes" quand on doit faire mieux que Migos ou Lil Yachty à ce niveau-là, et il faut préciser qu'Action Bronson n'a jamais ambitionné d'être J. Cole ou Kendrick Lamar, mais son répertoire de punchlines version 2018 montre d'inquiétants signes d'épuisement. 

En fait, White Bronco sait se montrer à la hauteur de la réputation de son géniteur quand il se montre sous son côté le plus dépressif ("Live From The Moon" est un des meilleurs titres de son répertoire) ou lorsqu'il lâche complètement la bride en compagnie de son pote Party Supplies ("Brutal", "Irishman Freestyle"). Évidemment, on sait que c'est quand il joue avec les extrêmes qu'un artiste atteint son meilleur niveau, mais dans ce cas il convient de reconnaître qu'il n'y a rien de plus désolant que d'entendre un MC qui se complait dans l'"average". Sur "Prince Charming", Action Bronson nous dit que "shit, I might retire, spend the rest of my days down in New Orleans maybe" et, trop souvent sur ce cinquième album, on se dit que ce ne serait peut-être pas une si mauvaise idée que ça.