What Is This Heart

How To Dress Well

Weird World – 2014
par Yann, le 16 juillet 2014
4

Alors que j'écoutais une dernière fois le troisième album de How To Dress Well en préparation de cette chronique, sans trop savoir ce que j'allais écrire, une collègue pénètre dans mon bureau et me dit:

  • "C'est quoi ce que tu écoutes?"
  • "How To Dress Well", je lui réponds. "C'est du R'n'B" (je lui dis ça pour faire comme si c'était de la musique populaire, comme peut l'être le R'n'B)
  • "Oh, c'est bizarre, on dirait de la musique celtique".

Et en fait, What Is This Heart peut parfaitement se résumer à ça: un peu tout et surtout n'importe quoi.

N'importe quoi, mais grandiloquent. Pas nécessairement ambitieux néanmoins, puisque Tom Krell a choisi d'abandonner le sillon du minimalisme urbain/soul qu'il avait contribué à tracer avec une certaine réussite dans ses deux premiers albums pour se diriger vers une musique plus richement produite. C'est pourtant dans l'équilibre et la fragilité que son vibrato mal dégrossi trouvait un sens. Maintenant entouré d'une pléthore de guitares, de mauvaises cordes et d'effets électroniques omniprésents, il ne reste plus que le côté putassier inhérent au style, dans lequel Krell se vautre allègrement.

Vous me direz: nous, on aime bien parfois la musique un peu pupute. Et je serais bien le dernier à vous renier ce plaisir coupable. Sauf qu'ici, en plus d'être "complètement glucose", le résultat s'avère ennuyant comme la pluie.

On va être honnête, certains titres s'en sortent mieux que les autres: "Words I Don't Remember" et "A Power" sont respectables, et le single "Repeat Pleasure" est quelconque. Mais à coté de cela, on peine à se sentir concerné par les jérémiades de l'Américain, quand les morceaux ne deviennent pas tout simplement insupportables ("2 Years On", "Pour Cyril", "Very Best Friend", "What You Wanted" pour les pires). Où est la menace latente d'un titre comme "Cold Nites"? Où est l'émotion feutrée d'un "Running Back"? Ici, même les amateurs de musique lacrymale retourneront dare-dare vers les albums de Hurts, qui ont le mérite de ne pas cacher leur intention derrière un vernis pseudo-intellectuel tout en bénéficiant de la même qualité technique.

Il est vraiment dommage d'avoir mis autant d'énergie et de gens compétents (y'a pas à dire, c'est vraiment bien produit) dans un album si mal écrit et à la direction artistique de si mauvais goût. Il reste à HTDW sa voix et son arrogance en concert pour défendre son disque. Nul doute que ça passera auprès de certains spectateurs.