Vers Les Lueurs

Dominique A

Cinq 7  – 2012
par Michael, le 23 avril 2012
9

Il ne doit pas être facile tous les jours de s'appeler Dominique A. Il ne doit pas être facile d'être l'un des derniers porte-étendards de la belle chanson made in France à l'heure où il est si fréquent pour les jeunes groupes et artistes hexagonaux de s'exprimer dans la langue de Shakespeare, pour le meilleur et pour le pire. Il ne doit pas être facile d'être seul à bord du navire et de ne percevoir dans la brume musicale française aucun adversaire à sa mesure. Il ne doit pas non plus être facile d'être attendu au tournant à chaque album et de devoir répondre à une exigence de qualité qui se doit de friser l'excellence. Et pourtant, ce brave Dominique relève une nouvelle fois le défi avec ce neuvième album. L'exercice aura été d'autant plus périlleux que 2012 aura marqué l'anniversaire de La Fossette et la réédition de tout son catalogue, comme une sorte de bilan, d'état des lieux de la marque et de l'empreinte laissée par leur auteur dans la musique bien de chez nous.

Première constatation: Vers Les Lueurs est un album qui prend comme souvent avec Monsieur Ané un parti pris esthétique particulier. Ici il s'agira de la rencontre entre un quintette à vent et le groupe qui l'accompagne sur scène depuis La Musique, et d'une thématique récurrente qui tourne autour de la lumière. Là où tant d'autres s'égarent dans des concepts fumeux et des choix musicaux qui ne riment à rien ou pas grand chose, on a l'impression que Dominique A a trouvé depuis longtemps la formule magique qui lui permet de se réinventer dans la continuité autour d'idées et de lignes directrices fortes qui portent ses chansons toujours aussi pertinentes.

Ce nouveau tour de piste commence avec une collision "Contre Un Arbre" qui pose d'emblée la palette chromatique de l'album puisqu'il s'articule autour d'un motif déployé par le quintette à vent quand le phrasé délié évoque quant à lui dans une certaine mesure le regretté mais immortel Alain Bashung. Deuxième constatation qui pourrait surprendre: Vers Les Lueurs est un album qui ne rechigne pas à aligner plusieurs "tubes" en puissance, dont on sent tout le potentiel radio. "Rendez-Nous La Lumière" en est la parfaite illustration: une immédiateté évidente, une emphase certaine qui évite l'écueil du pompier et de la mièvrerie tout en restant du Dominique A pur jus."Close West", deuxième tube au compteur allie concision et densité sonore au profit d'un très bon texte dans une veine abstraite mais très évocatrice. On sent le morceau taillé pour les fins de concerts. La question du bilan de carrière évoquée plus haut sera évoquée de manière métaphorique mais toutefois assez claire dans "Quelques Lumières" sous forme d'un aveu lucide et sans concession ni auto-apitoiement; c'est le troisième tube. Le dernier sera "Vers Le Bleu" qui voit Dominique A aborder de manière assez directe la confession familiale ou comment se sentir responsable d'un être cher, tout en laissant suffisamment de blancs et d'ellipses à l'auditeur pour pouvoir se glisser à l'intérieur du texte.

A côté de ces titres qui, on le souhaite, attireront le maximum d'attention à leur auteur, et notamment celle de ceux qui ne connaissent pas encore l'oeuvre du grand chauve, on trouve encore plusieurs perles moins évidentes mais tout aussi intéressantes telles que "La Possession", variation futée autour de quatre harmoniques ou encore la très belle mélodie de "Loin Du Soleil" et le délicat final "Par Les Lueurs". Les seuls bémols que l'on peut apporter seront ceux du choix de production et de mixage de la batterie et des claviers qui manquent d'ampleur et font parfois un peu carton-pâte ou certains passages et le final un peu trop explicite et emphatique dans "Parfois J'entends Des Cris".

Vous l'aurez compris, ceci mis à part, ce nouvel album signé Dominique A est une nouvelle réussite qui confirme sa très bonne forme depuis La Musique. Le natif de Provins a su trouver une nouvelle dynamique qui manquait un peu à des albums comme L'Horizon ou Tout Sera Comme Avant, le tout conforté par la parfaite union entre instruments électriques, le piano et l'ensemble de cuivres qui se confrontent, s'affrontent et se complètent tout au long des treize titres. Il ne nous reste plus qu'à s'immerger dans Vers Les Lueurs en attendant avec impatience un passage du chanteur près de chez nous, tant on sait que les performances scéniques du bonhomme ne sont à manquer sous aucun prétexte.

 

 

 

Le goût des autres :
8 Julien L 7 Denis 8 David 9 Maxime