Vae Victis

December's Fire

Arachnophobia Records – 2017
par Simon, le 3 mai 2017
8

Parmi les trucs cool que nous a amené internet (on pense en particulier aux vidéos YouTube de dix heures ainsi qu'aux clips où des corgis font les cons) on épinglera tout particulièrement la possibilité de s’envoyer de la musique partout et tout le temps. Si on est au courant que l’époque dans laquelle on vit appelle à une conscience redoublée dans nos comportements (car après tout, le modèle reste précaire pour pas mal d’acteurs du milieu), quel plaisir de pouvoir tout connaître, du mainstream le plus éhonté à la pépite indé sortie de nulle part. Le seul défaut de tout ceci, c’est qu’à part de grandes exceptions, rares sont les produits qui sortent véritablement des cases parfois microscopiques dans lesquelles on peut enfermer la musique au gré des tendances et autres sous-sous-sous genres. C’est particulièrement flagrant au moment d’entendre ce Vae Victis, chef d’œuvre de musique extrême datant de 1996. Musique extrême ? Certainement, et même si celle-ci n’est composée que de synthétiseurs gothiques et de quelques guitares à peine metal.

C’est d’ailleurs le coup de force de Piotr Weltrowski, premier claviériste de l’immense Behemoth, à savoir imposer une œuvre immersive à souhait uniquement à base d’ambiances symphoniques aux lourds accents funéraires, pour la plupart pianotées. Quatre titres brumeux, souvent à la limite du kitsch, qui évoquent les cimetières les jours de pleine lune et les rituels sataniques dans de sombres greniers. Enfin, on doit à la vérité de dire que la présence absolument totale, et le mot est loin d’être usurpé, de Nerghal au chant en est également pour quelque chose, si bien qu’on entend déjà à l’époque que le Polonais était en bonne voie pour devenir un des plus grands frontman de sa génération (à la tête de Behemoth, pour ceux qui ne suivent plus). Persiflant, parlant, hurlant son polonais en faisant corps avec ces incessantes gammes de claviers, ces tristes solos de guitare basse et ces incursions de guitare électrique tout en retrait, Nerghal illumine tout de son charisme fou, de son magnétisme et de sa présence totalitaire. Si bien que le tout s’impose comme une œuvre absolument inédite et immanquable, et ce encore plus de vingt ans après. Une gemme ressortie de nulle part, qui agira comme un bain de jouvence pour tous ceux qui se sont dit ou qui se disent encore fondus de musiques extrêmes. Le plus black metal des albums sans batterie.