Uneasy Laughter

Moaning

Sub Pop – 2020
par Quentin, le 29 avril 2020
6

Uneasy Laughter fait partie de ces disques qui ont la faculté de n'appartenir à aucune époque. Il traverse le temps, devient rapidement un parfait disque du dimanche avec tout ce que ça peut induire d'écoute confortable et pas forcément attentive. La prise de risque est plus que limitée et Moaning propose un album clairement basé sur des références passées. Mais il ne faudrait pas se méprendre, Uneasy Laughter ne sonne pas pour autant comme un objet déjà périmé. Sans chercher à absolument moderniser le style, Moaning y apporte une dose de fraîcheur. Quelque chose qu'on qualifierait de pop si le terme n'était pas aussi piégeux.

On vous le disait ici, 2019 est l'année qui pour nous est venue souffler sur les braises du post-punk. Seulement voilà, comme la pop dont on parlait ci-dessus, ce terme de post-punk est malgré lui devenu un superbe fourre-tout puisqu'un excellent argument marketing. Un couteau suisse génial à déplier lorsqu'on fait une musique étiquetée pas complètement rock et un peu cold quelque chose. Le trio guitare/basse/batterie de Moaning surfe sur cette vague-là et en profite pour nous livrer 13 titres dans l'ensemble bien foutus, mais dont le post-punk qu'on nous a vendu a peut-être été un peu trop dilué. Dilué dans une pop dont on s'accoutume très bien sur certains titres. À commencer par "Ego", le titre qui ouvre l'album, mais également sur "Running" qui, sans être une copié-collé d'"Ego", emprunte le même chemin.

Là où le bât blesse, c'est lorsque Moaning tente de montrer les dents. "Make It Stop" par exemple est une belle tentative, mais peut-être pas suffisamment assumée. En réalité, ce qui ressort le plus de ce disque ne sont pas les titres qui se voudraient cold et révérencieux des pontes fondateurs du style, mais plutôt ceux qui lorgnent vers la pop, quitte à être catchy ("Running" en est le parfait exemple). À la lumière de ceci, on voit alors se dresser derrière Moaning l'ombre bienveillante d'Interpol. Car c'est clairement dans la lignée des New-Yorkais qu'il faut placer Moaning. Une lignée qui s’embarrasse peu du style qu'on lui colle tant que ses morceaux restent efficaces sur un format court. Sans qu'on s'y attende, des titres comme "Fall In Love" et "Coincidence or Fate" prennent d'un coup le crédit qu'ils méritent.

Comme souvent, on s'est fait avoir par le packaging. Un enrobage croquant et un cœur fondant, voilà ce que réserve Uneasy Laughter. Mais dans cette pseudo supercherie, on est finalement content de s'être fait avoir car la surprise est plutôt bonne. 44 minutes d'une production bien soignée qui, à défaut de rendre nos vendredis soir plus compliqués, aura au moins le mérite de rendre nos dimanches plus agréables.