Uncle Dysfunktional

Happy Mondays

Sequel – 2007
par Simon, le 19 octobre 2007
7

De l’Angleterre à nos contrées, il n’y qu’un pas, et les groupes en provenance d’outre-Manche ne se privent pas de nous le faire savoir à grands coups d’innovations rocambolesques en matière musicale. Mais si cette réputation parait aujourd’hui évidente, il reste néanmoins à évaluer le sol premier de cette remarquable faculté à transformer certaines de ses bourgades en véritables places fortes de l’industrie musicale de qualité. Certes, Londres est très certainement le fer de lance d’un underground fourmillant d’artistes en devenir, mais le coeur de mon propos se situe un poil plus au-dessus de la carte : Manchester, 20 ans plus tôt, devenait alors la capitale mondiale du renouveau indie rock. Ces nouveaux héros se faisaient appeler Talking Heads, Joy Division (devenant plus tard New Order) ou encore Depeche Mode.

Dans cette effervescence, un groupe semblait déjà se distinguer par ses excès (ce qui, à l’époque relevait de la performance), une formation emmenée par le décadent Shaun Ryder, les Happy Mondays était nés. Une carrière rythmée par les cures de désintox de ses membres, et surtout par une poignée d’albums titanesques, dont un Pills 'n' Thrills and Bellyaches qui continue à faire parler de lui malgré le poids des années. « World Are You Ready For Manchester ? », il était temps en effet pour ce pauvre monde de goûter à la fureur des soirées acid, des débordements incontrôlables de sa nouvelle icône et au royaume déclaré du tout permis.

Mais plus de vingt ans après que reste-t-il de cette formation grandiloquente à l’écoute d’un album qui apparaît plus, de prime abord, comme une surprise que comme une évidence ? Une équipe ruinée, abusée par l’image qu’elle a jadis portée fièrement à bout de bras : un chanteur au cerveau anéanti par deux décennies d’abus, un studio vendu pièce après pièce pour des raisons financières ou encore une collaboration avec les médias pour une biographie de la part d’un homme qui ne se serait jamais abaissé à pareilles formalités quelques années plus tôt.

Mais ce serait également oublier les qualités premières d’un groupe devenu à présent trop facile à critiquer : on navigue toujours entre des riffs acidifiés prompt à vous retourner un dancefloor de vieux ados, une voix à l’arrogance sans conteste toujours aussi accrocheuse, et surtout cette attitude délétère et contagieuse qui caractérisait un groupe au potentiel colossal. Un groupe qui s’efforce de vivre dans son temps, sachant, contre toute attente, adapter son discours à son époque : que les influences viennent étonnamment du hip-hop (« Rats With Wings »), du funk (« Dysfunktional Uncle ») ou l’apport d’un accordéon inattendu (« Dr.Dick »), les Mancuniens puisent sans se ménager dans leurs dernières réserves pour tenter d’offrir un album de qualité. Le riff meurtrier de «In The Blood » ou le jeu de basse proéminent tout au long de l’album prouvent sans plus de blabla que le groupe cumule une expérience presque inégalée en matière de dancefloor-killer et de paroles niaises à souhait.

On pourra toujours reprocher aux Mondays de jouer la sécurité en usant d’une formule vieille comme le monde (quoique lui appartenant en grande partie), sans vraiment forcer le talent ; certains aussi aimeront leur infliger la comparaison asassine avec un Pills 'n' Thrills and Bellyaches hors de portée, reste de ce Uncle Dysfunktional un disque qui ne se prend pas au sérieux, qui se donne corps et âme pour voir ses fans arborer le même sourire que ceux de leurs t-shirts fluos, n’oubliant pas que ceux-ci n’avaient d’yeux que pour eux à la folle époque Madchester. Certes la « nu-wave » est bel et bien morte (et là je m’adresse aux avortons usurpateurs de cette hype dont le talent pour paraître fêtards est à la hauteur leurs chaussettes ), mais la grande force du disque est bien de nous faire croire le contraire, ne serait-ce que la durée d’un disque. Alors seulement peut encore résonner cette provocation immortelle qui, même si elle a perdu en puissance, n’a rien perdu en singularité : « World Are You Definitely Ready For Manchester ? »