Tropical Suite

Poni Hoax

Pan European Recording – 2017
par Yann, le 15 février 2017
7

Poni Hoax est définitivement un groupe français. Dans chaque interview qu'ils donnent, ces gars transpirent l'ambition et, il faut bien l'admettre, l'arrogance. Bonne nouvelle toutefois, l'ambition affleure d'un peu partout sur Tropical Suite, "une mélodie en triptyque dont chaque partie correspond à un continent". Par ailleurs, ce nouveau long format est peut-être le meilleur album du groupe à ce jour, ou en tout cas celui où il développe une personnalité propre plus marquée que jamais. Et en ce sens, l'arrogance passe forcément beaucoup mieux.

On peut difficilement séparer l'émergence de Poni Hoax du succès de Tigersushi, le label de Joakim qui a sorti leurs deux premiers disques, appréciés par la critique pour la transposition dans un contexte français de sonorités disco-funk et post-punk. Après deux disques dans cette veine, ils changent de crèmerie pour leur troisième album et se retrouvent sur un autre label parisien à la personnalité elle aussi très marquée : Pan European Recording (Turzi, Koudlam, Flavien Berger et quelques autres amateurs de musiques psychotropées). A State Of War sera pourtant le moins bon disque du groupe, peut-être à cause de son accouchement pénible.

Du coup, tout ceci avait pas mal douché les attentes pour ce quatrième album. D'autant plus que l'envie d'en faire une sorte d'album-concept accompagné d'un film crowdfundé (pas encore sorti mais qu'on espère voir un jour) pouvait se faire lever plus d'un sourcil. Bonne nouvelle, Tropical Suite est un bon disque. Très bon même. C'est aussi un disque différent, plus posé, définitivement plus pop. Un disque pondu par un groupe aux coudées franches et aux visées larges, et dont les accents estivaux, les nappes de claviers et les couleurs évoquent souvent The English Riviera de Metronomy, avec cette petite touche 80's propre au groupe et que validerait totalement un certain Bryan Ferry.

Autre point fort, la construction du disque, qui s'appuie sur des interludes pertinents et judicieusement placés pour aérer l'ensemble. Malgré l'une ou l'autre baisse de régime pas du tout préjudiciable, Tropical Suite est résolument un album qu'on prend plaisir à écouter de bout en bout - et qui mérite vraiment d'être découvert de la sorte. En plus de cela, on y retrouve quelques titres excellents qui attireront à n'en point douter la brebis égarée.

Ne laissez pas le premier single et morceau d'ouverture "All The Girls" vous berner avec ses sonorités orientalisantes qui peuvent exaspérer, les quatre morceaux qui suivent sont irréprochables, en particulier "The Music Never Dies" avec son magnifique texte et son refrain délivré à la perfection par un Nicolas Ker comme d'habitude habité par son sujet. On met également en évidence "Everything Is Real", morceau pop en équilibre entre mélodie et énergie, émotions garanties. Citons aussi les interludes "Tropical Suite" qui ne vont plus partir de votre cerveau une fois que vous les aurez écoutés, le très Bowie "I Never Knew You Were You" ou la balade "Through The Hall of Shimmering Lights" qui assume son kitsch avec brio.

Ces nombreux point forts du disque font qu'à l'arrivée, on absorbe sans grands problèmes les morceaux moins réussis et on supporte l'accent anglais pour le moins approximatif - c'est un euphémisme. Il ne manque d'ailleurs pas grand chose pour faire de ce disque un intemporel. Car s'il a le potentiel de faire partie de ces albums pop qu'on peut ressortir des années plus tard avec le même plaisir, Tropical Suite manque peut-être de richesse dans la production pour lui éviter les rides de l'âge et les affres de l'ennui après les écoutes successives. Ne boudons néanmoins pas notre plaisir : si Poni Hoax n'a plus grand chose en commun avec le groupe qui avait pondu l'imparable "Budapest", il prouve qu'il peut évoluer, juste pour le meilleur.

Le goût des autres :