Tremens Industry

Raoul Sinier

Ad Noiseam – 2009
par Simon, le 18 novembre 2009
9

En véritable métronome de la scène IDM/hip-hop, Raoul Sinier revient avec un quatrième enfant sous le bras (si on ne compte que les formats longs), Tremens Industry, que tout le monde s’accorde déjà à qualifier de pièce maîtresse dans la discographie du talentueux Français. Et il faut bien dire qu’une telle allégation est lourde de sens si on prend la peine de regarder l’étendue et la richesse de sa discographie antérieure à ce nouvel album. Car qu’il produise sous son véritable patronyme ou sous le pseudo Ra, le Parisien a déjà su conquérir le cœur de nombreux fans en faisant les belles heures de labels aussi prestigieux que Planet Mu (Venetian Snares, µ-zik ou encore toute la nouvelle scène dubstep) ou Ad Noiseam. Bref, un carnet de références pour vous faire dire que nul ne peut plus maintenant ignorer l’insolent talent de Raoul.

Et autant le dire tout de suite, Tremens Industry est une bombe. Mais qui dit album réussi dans le milieu electronica sous-entend une nouvelle furia de beats en en pagaille, de breaks à tous les étages, alors qu’ici, le propos tend à élever encore un peu plus le genre de ses racines. Car Tremens Industry est un album patient, à la limite du déconcertant, qui commence sur une mise en bouche électroïde savante pour illuminer par la suite douze pépites aux relents hip-hop oldschool assumés. Le cocktail est simple, la réalisation périlleuse : prenez les rois de la MPC que sont Dj Format et Pete Rock, faites les rencontrer Richard D. James (homme à tête de dieu que tous connaissent sous la figure d’Aphex Twin) et Squarepusher (pour la tendance organique du tout autant que pour les mélodies illuminées qui parcoure l’album), et conviez finalement dDamage et Modeselektor. Leur fête est une réussite indéniable. Tremens Industry est un florilège de claviers vintage et de breaks au millimètre, de beats arides et de nappes charnelles, le tout plongé dans des ambiances baroques immersives au possible. Mais ce qui étonne surtout c’est la maturité qui habite ces treize pistes, la cohérence qui lie chacune de ces différentes étapes musicales pour finalement aboutir sur un monstre de musique électronique.

Car ce nouvel album a tout du grower, ce genre d’album qui prend du galon écoute après écoute pour finalement occuper une place encore plus grande que ceux qui flambent leurs atouts en une poignée d’écoutes. Les gimmicks sont accrocheurs et l’afficionado lambda d’electronica verra ses attentes comblées, mais le ton s’est simplifié, la sauce monte à rebours et les fulgurances sont devenues celles d’une conscience aboutie, plus que celles d’un corps en recherche de lui-même. Tremens Industry propose donc de vraies chansons (preuve en est la tentative réussie de chant, les aspects presque post-rock en toute fin d’album), qui composeront finalement un véritable album, pierre d’achoppement pour mieux se projeter vers cette terre d’inconnu aux coins et recoins malfaisants. Finalement, plus qu’un nouveau point de repère essentiel, on découvre avec cet album une porte d’entrée formidable pour tout amateur de hip-hop old school, d'electro tonitruante et d'IDM peu farouche, ou plus largement pour tous les amateurs de belles musiques. Alors que Prefuse 73 nous emmerde depuis deux albums pompeux et que le retour du géant Aphex Twin sur la maison Warp a tout d’une entreprise casse-gueule, Raoul Sinier vient de frapper un très grand coup dans la fourmilière électronique, jusqu’à parier sur Tremens Industry comme le disque IDM/electronica de l’année. Absolument essentiel.

NB : Tremens Industry est accompagné d’un DVD retraçant le pan visuel et filmographique de ce musicien/graphiste, un must.

Le goût des autres :
7 Julien