The Weather

Pond

Marathon Artists – 2017
par Hugo, le 19 mai 2017
6

Les figures emblématiques de Quincy Jones, George Martin ou Ahmet Ertegün ont nourri les légendes modernes relatives au rôle du producteur dans la consécration d'un artiste. Gardant cela en tête, on ose pas imaginer à quel point Kevin Parker a dû se faire renifler le cul il y a deux ans après la sortie de Currents. Le succès colossal de ce virage synthpop aura peut-être laissé une partie des fans originels de Tame Impala au bord de la route, on met au défi quiconque de nier la maitrise technique de ses enregistrements.

Pourtant, malgré quelques flirts avec Miguel, Mark Ronson, Rihanna ou encore Lady Gaga, Kevin Parker ne s'est pas complètement cloîtré dans le mainstream. On pense par exemple à son travail de production l'année dernière de l'album de Koi Child, petit groupe de hip hop instrumental de Perth, ou encore à son remix plus tôt cette année du "Longue la nuit" sur l'album solo de son batteur Julien Barbagallo. Partant de ce constat, c'est finalement assez prévisible que les ptits gars de chez Pond, entité consanguinement liée à Tame Impala, aient confié les manettes de leur septième album à leur ancien membre.

Après plusieurs dizaines d'écoutes de The Weather, on continue à se demander si c'était vraiment nécessaire. Le constat est pourtant simple: ce LP a clairement le cul entre deux chaises. Tiraillé entre les velléités pop de son producteur et les accents cosmiques plus saturés du groupe, l'album peine à trouver sa voie. Finalement, c'est quand il semble s'affranchir de l'un ou l'autre pôle de cette schizophrénie qu'il apparaît le plus lisible, tendance Kevin Parker (l'ultra efficace "Sweep Me Off My Feet") ou Pond ("A/B"). Mettons aussi de côté "30000 Megatonns" et "The Weather", qui ouvrent et clôturent l'album en occupant l'espace de façon plutôt épique.

Entre les deux, la formule confère trop souvent à la frustration et c'est l'ennui qui prédomine, jusqu'à se vautrer même par moments dans la mièvrerie ("Paint Me Silver"). Bien que ce nouveau registre sied plutôt bien au chant androgyne et excentrique de Nick Allbrook, la mayonnaise a du mal à prendre sur l'ensemble du groupe, et on en ressort avec cette impression désagréable d'avoir mal cuisiné des aliments de bonne qualité. Dans ce genre de situation, c'est logiquement le cuisinier qu'il faut blâmer. Ce constat est d'autant plus amer que Pond semblait avoir trouvé la bonne formule avec Man It Feels Like Space Again, excellemment interprété pendant sa tournée, et qui laissait croire qu'ils en avaient encore beaucoup sous le pied.

Pour le coup et histoire de conclure, il y a un vrai parallèle à faire entre The Weather et le City Club des Growlers, sorti l'année dernière avec Julian Casablancas dans le rôle du producteur improductif: cette même incapacité à faire le liant entre les différentes compétences convoquées, cette même tendance à venir perturber une formule qui n'avait pourtant besoin de personne pour briller.