The Unnatural World

Have A Nice Life

Enemies List Home Recordings – 2014
par Michael, le 3 avril 2014
9

Aie une belle vie. Ouais. C’est pas vraiment la pensée qui nous vient en premier à l’esprit en écoutant la musique du duo de Middletown. Une musique à laquelle la devise de Enemies List Home Recordings (chez qui sort la version digitale de l’album) va comme un gant: "No fun. Not ever." En même temps, avec des titres de morceaux tels que "Defenestration Song", "Burial Society", "Unholy Life",  "Emptiness Will Eat the Witch" ou notre petit préféré, "Music Will Untune the Sky", on ne pourra pas vraiment se plaindre de ne pas avoir été un peu prévenu, et si l'on choisit de s'aventurer plus avant c'est qu'on l'aura bien voulu. Autant vous dire qu’on ne rigolera pas trop à l’écoute de The Unnatural World et que si vous cherchiez un peu de musique pour passer à l’apéro avant un dîner aux chandelles avec la secrétaire du service com', passez tout de suite votre chemin.

On pourrait imaginer que, dans un monde où les hommes auraient la possibilité de procréer sans leur opposé féminin, si le Michael Gira de The Great Annihilator avait trempé son biscuit avec le Kevin Shields de Isn’t Anything, ils auraient eu un petit rejeton qui ressemblerait sans doute à ce que produit la musique de Dan Barrett et Tim Macuga. Un groupe que l'on qualifie ci et là de shoegaze en y accolant d'autres étiquettes (post-punk, indus, ambiant), ce qui compte pour beaucoup dans l'originalité, ou du moins l'intérêt de la musique qu'il produit. Dans le cas présent, les étiquettes ne trahissent pas l'origine contrôlée et la traçabilité de cette volaille élevée en plein Connecticut, et que l'on reconnait aux codes inhérents aux genres précités: jeux de nappes, voix sous-mixées, recherche et digressions sonores, agressivité métallique, boucles et décalages progressifs.

The Unnatural World, c’est un roc de granit dont la densité n'a d'égale que la noirceur. Un bloc dont on ne peut extraire nulle partie, qui est à prendre ou à laisser. Une densité dont la création aura pris six longues années (ce qui est quand même très long pour un deuxième LP) et qui, on le devine, aura permis la maturation qui aura donné le résultat incompressible que nous avons dans les oreilles. Cette noirceur, qui se veut sans compromis et non feinte, se digère toutefois très bien, même si plusieurs écoutes seront nécessaires pour en apprécier tous les contours, les retours et les nuances. Il sera parfois difficile de s'expliquer pourquoi l'on retournera autant de fois et avec tant d'enthousiasme vers un tel réceptacle de mal-être, où la sensation d'étouffement, de suffocation côtoie celle d'extase et de sombre spiritualité. Mais il en est pourtant ainsi, et au final on ne s'en porte pas plus mal, bien au contraire. Assurément une des grosses grosses claques de ce premier trimestre.