The Seldom Seen Kid

Elbow

Polydor – 2008
par Splinter, le 14 avril 2008
9

Depuis 2001 et la sortie de leur premier album, Asleep in the Back, les Mancuniens d'Elbow occupent une place à part dans le paysage du rock anglais. Inspirée, mélodieuse, audacieuse, aussi intimiste qu'elle peut être exubérante, leur musique sert également de support à un discours politique altermondialiste suffisamment subtil pour que le quintette puisse être qualifié de "groupe intelligent", à mille lieues du rock cockney des Kaisers Chiefs ou des Arctic Monkeys, voire des pompiers cocos Manic Street Preachers.

En quête perpétuelle de respectabilité, la bande emmenée par Guy Garvey est devenue au fil des années une valeur sûre et incontournable, grâce à ses albums d'une qualité irréprochable et sans aucune faute de goût, comme Cast of Thousands en 2003 et Leaders of the Free World en 2005, agrémentés de petits bonheurs tels que l'extraordinaire et orgasmique "Powder Blue" (2001), "Fugitive Motel" (2003) ou encore "Forget Myself" (2005). Au terme de deux ans de quasi silence, entrecoupé d'une pépite en forme de boule de neige ("Snowball") offerte à l'excellente et ultra recommandée compilation Help – A Day in the Life (2005), Elbow rempile en nous livrant The Seldom Seen Kid, leur nouvel album – peut-être leur meilleur à ce jour, le plus brillant, le plus enthousiasmant.

Après avoir dû faire face à un changement de label et la mort de l'un de leurs proches (le kid en question), Elbow revient en parfaite confiance. C'est ainsi que, sans opérer de rupture avec ses grands frères, ce nouveau bébé porte bien son nom puisque rarement on aura vu dans l'univers de la britpop un tel alliage subtil de mélodies cristallines ("Mirrorball") et épiques ("Starlings"), d'envolées lyriques toujours pertinentes ("One Day Like This" et ses cordes dignes de feu Suede), entrecoupé d'audaces stylistiques parfaitement maîtrisées ("The Loneliness Of A Tower Crane Driver", "Bones of You" et son final emprunté au "Summertime" de Gershwin), au point de se permettre un duo surprise avec le crooner Richard Hawley sur une comptine ambigüe et enivrante ("The Fix").

A dire vrai, une telle démonstration de talent à l'état pur (citons encore le sublime "Weather to Fly", le rocky "Grounds for Divorce" ou la magnifique et épidermique "Friends of Ours") a le don de donner le vertige : douze titres riches, chacun possédant son climax, chacun constituant une bonne raison d'acheter l'album… et replacés dans la perspective des trois albums précédents : plus aucun doute, Elbow est bien le seul rival crédible de Radiohead. Sans les délires électro des cinq d'Oxford, réinventant le "Street Spirit" sur chaque album, les Mancuniens, qui n'ont pas encore percé en France et ne le feront peut-être jamais, méritent mille fois les louanges qu'ils ont reçues outre-Manche.

D'ores et déjà un classique, The Seldom Seen Kid est un chef-d'oeuvre de rock anglais alternatif, une merveille de tous les instants et clairement un incontournable de l'année, constituant d'évidence l'album à abattre pour Coldplay, dont le nouvel opus, qui ne devrait pas tarder à débarquer, aura fort à faire pour reprendre à Guy Garvey le statut qu'il leur a chipé voici déjà quelques années. Autant dire une mission impossible. Chapeau bas.

Le goût des autres :
9 Jeff 7 Julien 8 Laurent_old 10 Popop