The Performer

James Righton

DEEWEE – 2020
par Jeff, le 8 mai 2020
7

Au cinéma et à la télévision, le typecasting est un procédé en vertu duquel un acteur ou une actrice se retrouve identifié à un rôle bien spécifique ou cantonné à un genre, lui fermant de facto de nombreuses portes lorsqu’il souhaite tenter d’autres choses. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles les carrières de Daniel Radcliffe ou Robert Pattinson ont eu autant de mal à se développer dans le circuit mainstream après les succès planétaires des sagas Harry Potter et Twilight, les poussant alors vers des sphères plus alternatives – ce qui réussit d’ailleurs plutôt bien à Pattinson, comme en témoignent ses performances au poil dans le Good Times des frères Safdie, moins à Daniel Radcliffe qui semble condamné à errer comme une âme en peine dans les conventions de fans pour l’éternité.

C’est aussi une trajectoire à laquelle doit s’identifier James Righton, lui qui a connu la gloire, les contrats juteux et les salles pleines avec les Klaxons, groupe emblématique d’une époque où notre meilleur pote s’appelait Tom, où Steve Aoki était encore fréquentable, où Erol Alkan était le DJ le plus cool du monde et où le blog Fluokids de Pharel et Redhotcar était the place to be sur le net francophone. Une sacrée époque, qui ne rajeunit certainement pas ceux qui l’ont traversée, et dont pas mal de ses figures emblématiques sont aujourd’hui redevenues de gentils nobodies. D’ailleurs, en 2020, James Righton est davantage connu pour être le joli monsieur qui convole en justes noces avec l’actrice Keira Knightley qu’un musicien qui compte. Un constat contre lequel les frères Dewaele de Soulwax ont souhaité s’inscrire en faux en invitant l’Anglais à sortir son premier album post-Klaxons sur leur label DEEWEE.

On s’en doutait avant même d’écouter le disque : vu le parti-pris esthétique fort entourant chaque sortie DEEWEE et l’obligation de faire preuve d’élégance en toutes circonstances, on imaginait mal James Righton nous ressortir ses sirènes hurlantes et ses glowsticks comme aux plus belles heures de la nu-rave. Avec The Performer, il aura en fait mis une dizaine d’années pour faire ce que Devonte Hynes avait eu l’intelligence de faire peu de temps après l’aventure Test Icicles : sortir un disque si inattendu (dans son cas, c’était Falling Off The Lavender Bridge en 2008)  qu’il permet de ne même pas faire le lien avec le passé.

Absolument pas original dans ses choix artistiques, jamais passéiste mais pas vraiment moderne non plus, The Performer avance de jolis pions qui ne sentent pas trop le formol (le mix léché des deux frères gantois y est pour beaucoup), et multiplie les courbettes à des modèles qui semblent aller de Bryan Ferry (certains titres ont d’ailleurs été enregistrés dans ses studios) à Kevin Parker en passant par Brian Wilson - James Righton aime les esthètes, et il ne s’en cache pas. Ses influences étant savamment amalgamées ou distillées, jamais l’impression de mauvais pastiche ne prend le dessus, l’écriture finaude et le maniérisme mélodique de l'Anglais y étant également pour beaucoup dans la réussite d’un disque qui compte quelques grands moments de songwriting pop (« The Performer » et « Start » notamment).

Fidèle à la trajectoire d’un label qui préfère fonctionner aux coups de cœur plutôt qu’aux coups d’éclat, The Performer s’offre à nous avec une discrétion et une humilité qui nous rendent son auteur d’autant plus attachant qu’il ne vient pas avec The Performer pour relancer une carrière, mais plutôt pour écrire le récit à partir d’une page blanche. Vous l’aurez compris, les raisons d’aimer ce disque ne manquent pas.